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30 juillet 2010 5 30 /07 /juillet /2010 14:31

 

En route vers Vientiane (3)

Dès que la distance à parcourir est supérieure à 100 kilomètres, il vaut mieux envisager de partir tôt. En l'occurrence, les presque 400 kms qui séparent Luang Prabang de Vientiane impliqueront une bonne dizaine d'heures de voyage.

Le ciel est chargé de nuages annonciateurs de pluie. Bus VIP, départ à l'heure, ou à peu près; la majorité de voyageurs est constituée de falangs.

Route de montagne tortueuse à très forte déclivité que notre bus, malgré sa très puissante apparence, a bien du mal à avaler.

Bientôt il se met à pleuvoir et les montagnes disparaissent dans les nuages qui finissent par nous envelopper aussi. Les hameaux succèdent aux petits villages et les champs de maïs alternent avec les bananeraies et les plantations de tek. Déforestation encore et encore; toutes les pentes accessibles depuis les habitations ont été presque systématiquement déboisées : technique ancestrale de culture sur brûlis, mais bien sûr profits plus élevés tirés du maïs ou du tek.

En route vers Vientiane (2)

Arrêt pipi en haut d'un col mais aussi pour laisser le moteur se reposer un peu. Toilettes payantes installées dans des cabanes non loin de la route, quelques échoppes et deux restaurants.

Très vite nous amorçons la descente vers la plaine en laissant derrière nous les montagnes embrumées. Le relief change au fur et à mesure que nous nous approchons de Vang Vieng et nous abordons une zone de formations karstiques en pains de sucre. Nouvel arrêt, déjeuner cette fois; le repas est inclus dans le prix du billet de bus et nous faisons la queue comme à la cantine ...

La plupart des falangs descendront à Vang Vieng, petit village devenu au fil des années le rendez-vous incontournable des fêtards et raveurs voyageant au Laos ... Dommage, c'était pourtant, il n'y a pas si longtemps encore, un lieu bien tranquille ...

Les derniers reliefs finissent par mourir dans les plaines à rizières après avoir dépassé le grand lac artificiel Ang Nam Ngum sur lequel quelques ilots boisés rappellent les 250 km2 de forêt submergés lors de la mise en eau du barrage au début des années 1970.

Il est 18h30; nous abordons enfin les faubourgs de la capitale et c'est le moment pour tous les téléphones portables d'entrer en action pour prévenir famille et amis de son arrivée ...

Vientiane (60)

Vientiane est aujourd'hui la capitale de la République démocratique populaire lao (RDPL). C'est une ville d'environ 250.000 habitants installée sur la rive gauche d'un méandre du Mékong; de l'autre côté : la Thaïlande.


En 1520, Vieng Chan succéda à Luang Prabang comme capitale du Lan Xang (Lan Xang Hom  Khao : royaume du million d'éléphants et du parasol blanc ). C'est à cette époque que furent édifiés plusieurs de ses vat, dont le Pha That Luang, marquant l'âge d'or de la cité.

Cela ne dura pas; des invasions à répétition des Birmans, des Siamois et des Chinois entraînèrent l'éclatement du Lan Xang et le déclin de sa capitale.

En 1805 les Siamois mirent sur son trône Chao Anou qui commença à restaurer la ville en y faisant construire différents monuments dont le Vat Si Saket ( 1815 ).

Vat Si Saket. Vientiane (1)

En 1828, après que le souverain se fut révolté contre les Siamois, la ville fut rasée et la plupart de ses habitants déplacés vers le Siam.

« Sur les bords du Bang Pakong [ canal reliant le Chao Phraya à la rivière Bang Chang ] on rencontre plusieurs villages cambodgiens peuplés d'anciens captifs révoltés de Battambang; puis sur le long du canal, sur les deux rives, une population, nombreuses pour ce pays, de Malais de la péninsule et de Laotiens transportés de Vien-Chan (Vientiane ), ancienne ville située au sud-est de Khorat, sur les bords du Mékong, et que les révoltes et les guerres ont entièrement dépeuplée ». p. 212 et 213.

Si donc, Henri Mouhot avait pu mener à terme son projet d'exploration, il serait probablement passé par Vieng Chan, une bourgade sans importance assoupie sur le bord du Mékong et n' aurait peut-être pas éprouvé la nécessité de s'y arrêter longtemps.

Vientiane (37)

Mais qu'étaient donc ses intentions ? ... quelques lignes précises nous laissent supposer sans craindre l'erreur qu'il projetait de remonter le Mékong aussi haut que possible, voire jusqu'à sa source, puis de le redescendre en explorant son delta jusqu'à la Mer de Chine.

« J'avais formé le projet de visiter la partie nord-est du pays, le Laos, en traversant Dong Phya Phaïe (la forêt du roi de feu) et remontant jusqu'à Hieng Naie sur la frontière de la Cochinchine, arriver aux confins du Tonkin, et redescendre le Mékong jusqu'au Cambodge, puis revenir par la Cochinchine, si la France y domine ». p.215

Plus loin, lors de son retour à Bangkok après le séjour à Phetchaburi : « ... je revins à Bangkok; d'abord, pour faire les préparatifs nécessaires à la nouvelle expédition que je méditais depuis longtemps, qui devait me  conduire de Bangkok  au bassin du Mékong, vers la frontière de Chine» p. 223

Et encore, au mois d'août 1861, au bord de la Nam Kam : « Parvenu à seize cents kilomètres au moins de l'embouchure du Mékong, je puis constater, par la masse énorme d'eau qu'il roule à travers les contreforts des grandes chaînes sur lesquelles s'appuie la péninsule indochinoise, que ce fleuve, loin de prendre ses sources sur leur versant méridional, comme l'Irrawaddy, le Saluen et le Ménam, vient de fort au-delà et sans doute des hauts plateaux du Thibet. Me sera-t-il donné de faire plus ? » p.290

De tout cela nous ne saurons probablement rien puisque son aventure se termina tragiquement à Ban Moun Savath, non loin de Luang Prabang ...

En 1863, le roi du Cambodge, pour se défendre des Siamois, réclame le protectorat français. Entre 1893 et 1907, les traités franco-siamois conduisent à la prise de contrôle par les Français de la totalité du territoire situé à l'est du Mékong. C'est à cette époque que Vieng Chandevint Vientiane.

Vientiane (11)

Une fois la cité devenue capitale du protectorat français, des travaux d'aménagement et de reconstruction furent entrepris. Bâtie selon un simple plan en damier, la ville se composait d'édifices administratifs et de demeures de style colonial qui ponctuent encore la géographie urbaine de la cité. Certains ont été entretenus et habités, d'autres en revanche sont laissés à l'abandon, squattés en attente peut-être d'être revendus et rénovés.

« En 1928, la ville ne comptait que 9.000 habitants – pour beaucoup des administrateurs vietnamiens nommés par la France. Ce n'est qu'à la fin de la seconde Guerre Mondiale que la population de Vientiane commença à croître grâce à l'arrivée, sous divers prétextes liés à la guerre froide, d'experts français puis américains, et d'un afflux de dollars.

Après une succession de coups d'État dans les années 1960, Vientiane était devenue au début des années 1970, une ville où tout pouvait arriver. Ses quelques bars étaient fréquentés par une étrange clientèle composée d'agents secrets et de correspondants étrangers.

Comme on pouvait s'y attendre, la situation changea radicalement avec l'arrivée du Pathet Lao ( PL ) en 1975. Repaires d'espions, les discothèques fermèrent en premier, puis Vientiane sombra dans une torpeur ponctuée de quelques concessions au communisme, dont une collectivisation modérée et, dans un premier temps, une répression du bouddhisme.

Aujourd'hui quelques édifices sans grâce de style soviétique constituent les principaux témoignages de cette période. La situation s'est améliorée dans les années 1990 et, au cours des dernière années, Vientiane a vu une relative augmentation des constructions, ainsi que le développement du réseau routier et de la circulation » Lonely Planet Laos. p.84

Vientiane (28)

En 1997, lors de notre première visite à Vientiane, et c'est alors que Mouhot est entré dans ma vie, nous avions eu, en découvrant la ville, le sentiment de nous déplacer dans une tranquille préfecture ou sous préfecture métropolitaine; loin du vacarme et de la pollution de Bangkok, nous appréciions beaucoup nos petite balades qui, invariablement, nous menaient au couchant sur la rive du Mékong.

De nombreuses gargotes, buvettes ou restaurants y étaient installés et c'était un vrai plaisir de s'installer là en contemplant le soleil se coucher entre Laos et Thaïlande.

La circulation automobiles était extrêmement limitée, un peu de poussière, quelques petits chantiers d'aménagement urbain, des restaurants français, deux ou trois pizzérias, une cave à vin, bref pas trop de mal à imaginer l'ambiance coloniale nonchalante de l'entre-deux guerres, à l'époque où le guide Madrolles n'ait pas encore été supplanté par le Routard ou Lonely Planet ...

Treize ans plus tard, à part quelques nouveaux immeubles plus modernes, l'ambiance de la ville est la même mais un énorme chantier est en train de défigurer le bord du Mékong. Toute la journée et jusque tard dans la soirée, des norias de camions charrient des tonnes de terre à remblai que les engins étalent, nivellent et compressent.

Vientiane (24)

La municipalité s'est lancée dans des travaux d'aménagement des berges qui deviendront à terme de belles promenades bétonnées, avec pelouses et arbres, mais le fleuve est désormais bien loin de la ville ... Peut-être pour rivaliser avec sa voisine thaïlandaise Nongkhaï qui, depuis l'autre côté du fleuve, nargue tous les soirs de ses feux la capitale laotienne ...

Il n'empêche que l'endroit est tous les jours très fréquenté, avec une affluence remarquable en soirée et les dimanches. Les curieux se pressent tout le long de l'immense chantier que les lumières du couchant finissent par sublimer ...

Quelques belles balades tout de même avec les visites de quelques uns des nombreux temples qui ponctuent la cité de leurs toits pagodés élancés et colorés : Vat Si Saket, Haw Pha Kaeo et Pha That Luang.

Vientiane (15)

Le Patuxai est un des monuments très fréquentés de Vientiane d'autant plus que maintenant il est entouré par un grand jardin public avec un bassin et son jet d'eau autour duquel se pressent, le soir venu ou les week-ends, les citadins ou les visiteurs occasionnels. De très nombreux photographes proposent aux badauds d'être photographiés avec en fond le monument et le jet d'eau.

Cet espèce d'Arc de Triomphe, fut édifié dans les années 1960 avec du ciment américain qui était censé servir à la construction d'un nouvel aéroport, d'où son surnom de « piste verticale » !

Après quelques jours passés en la capitale il fallut bien songer à quitter le Laos.

Le mardi 29 juin, assez tôt me voici donc à attendre un bus à destination de Nongkhai à la gare routière de Talat Sao. Dernières impressions laotiennes. Les allers et venues des vendeuses de sandwiches baguette/pâté, les gamins tentant de vendre quelques paquets de chewing-gum ou des briquets, la nonchalance apparente des policiers de faction, les bus déglingués, quelques moines en partance et les inévitables tuk tuk ...

Vientiane (95)

Nous embarquons dans le thai/lao international bus et très vite nous sortons des faubourgs de la ville qui n'est pas très étendues. Une vingtaine de kilomètres plus loin, nous arrivons au pont de l'Amitié lao-thaïlandaise ( Saphan Mittaphap Thai-lao ) qui enjambe le Mékong; de part et d'autre, les postes frontières respectifs. Le bus nous dépose côté laotien pour que nous accomplissions les formalités de sortie, puis nous cueille pour nous mener au poste thaïlandais où s'effectuent les formalités d'entrée en Thaïlande. Aucune complication, rien ne paraît plus facile; on note simplement un peu plus de rigueur et de discipline et la présence d'un dispositif militaires côté thaï.

Courte étape à Nongkhaï, le temps de me procurer un billet de train en couchette pour mon retour à Bangkok le lendemain soir. Une bonne journée et demie donc pour retrouver mes repères dans cette ville où nous nous étions arrêté il y a dix ans. Elle non plus n'a pas beaucoup changé et il fait toujours aussi bon flâner le soir sur le bord du Mékong dont la berge est aménagée en promenade ...

Nongkhai (12)

Mais j'aurai pu sauter dans le train de nuit le soir même de mon arrivée ... en fait je voulais surtout retourner dans un des sites les plus étranges qu'on puisse trouver en Asie ...

Il s'agit d'un parc, surnommé Bouddha Park; le parc des sculptures de Sala Kaew Kuest l'œuvre d'un laotien Luang Pu(= vénéré grand père ) Bunleua Soulilat( mort en 1996 ) et le prolongement de celui de Vientiane le Xieng Khuan. Vingt années furent nécessaires à sa réalisation. Sculptures gigantesques en briques et en béton qui mêlent les figures des mythologies bouddhistes et hindouistes. Une espèce de facteur Cheval asiatique dont l'œuvre, d'un côté comme de l'autre de la frontière, mérite largement les détours que j'ai fait et qui seront bientôt le sujet d'une prochaine lettre ...

Nongkhai (6)

 

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