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14 juillet 2010 3 14 /07 /juillet /2010 15:28

 

 

Bangkok (187)Le Royaume de Siam ne devint officiellement la Thaïlande ( la terre de Thaïs, le « peuple libre » ) qu'en 1939 et Bangkok sa capitale en 1782 sous le nom de Rattanakosin ( bijou d'Indra ) ou plus souvent Krungthep ( cité des Anges ). C'est en 1782 que fut fondée par Chao Phraya Chakri, Yot Fa ( Rama 1er ) la dynastie des Chakri à laquelle appartenait le roi Mongkut ( Rama IV ), que rencontra Henri Mouhot, et le roi actuel Bhumibol Adulyadej ( Rama IX ).

 

Jusque là, Sukhotai ( XIIIème siècle ) et plus tard Ayuthaya ( XIVème siècle ) se succédèrent comme capitales du royaume.

La longue période du Royaume d'Ayuthaya, avec ses 36 rois et ses 5 dynasties, fut une « ère commerçante » pour l'Asie du Sud-Est. Centre économique et politique de la région, Ayuthaya tirait ses richesses du commerce maritime ( par le fleuve Menam - Mère des Eaux -, Chao Phraya actuel ) et marqua le début d'une relation avec le monde occidental.

 

« Bangkok, ville toute moderne, a succédé comme capitale du royaume de Siam à deux autres cités qui, elles mêmes, ne remontent pas à une haute antiquité : Ajuthia [ Ayuthaya ] et Nophaburi [Louvo ou Lopburi ] » p. 23.

Lopburi est l'une des plus anciennes villes de Thaïlande; elle fut, en fait, une ville frontalière de l'Empire Khmer et déclina avec l'essor de Sukhotai; elle devint néanmoins la seconde capitale au cours de la période Ayuthaya.

 

Or donc, Bangkok, que les Thaïlandais appellent encore souvent Krunthep. Son nom complet étant : « Krunthep mahanakhorn amorn rattanakosin mahintrayuthaya mahadililokphop noparatrachathani burirom udomrachaniwet mahasatharn amornphimarnavatarnsathit sakkatattiyavisanukamprasit. Ce qui signifie : Cité des êtres célestes, grande ville, résidence du Bouddha d'émeraude, ville imprenable du dieu Indra, grande capitale du monde, ciselée de neuf pierres précieuses, ville heureuse, généreuse, dans l'énorme palais royal semblable à la demeure céleste, règne du dieu réincarné, cité dédiée à Indra et construite par Vishnukarn » ( note de la page 23).

 

Bangkok (117)

 

Aujourd'hui c'est une ville de 6,3 millions d'habitants et le cœur économique d'un pays où le tourisme représente 6% du PIB. Sa population est majoritairement thaï dont 14% tirent leur origine d'ascendance chinoise; le quartier chinois ( China Town ) est d'ailleurs le centre névralgique du « commerce de gros ».

 

Elle a été en avril et mai dernier, le théâtre de violents affrontements entre les Chemises rouges et les Chemises jaunes. D'un côté, les tenants d'un retour de l'ex Premier ministre Thaksin Shinawatra qui propose un régime démocratique libéral en opposition au gouvernement actuel représentant la monarchie constitutionnelle jugée par les premiers comme trop conservatrice.

Le calme est revenu à Bangkok mais n'est-ce pas le calme avant la tempête ?

Le Roi Bhumibol Adulyadej, âgé de 83 ans, vénéré comme un demi-dieu par une grande partie de la population est très malade et tout le monde se prépare à sa disparition. Reste le problème de sa succession qui sera déterminante pour l'avenir du pays. ( voir le Monde Diplomatique de juillet 2010).

 

Bangkok (2)

 

La ville historique est située sur la rive est du Chao Phraya. Au delà de la gare principale Hualamphong, au nord et à l'est de la voie ferrée ,s'étend le nouveau Bangkok. Siam Square est le quartier des centres commerciaux, les centres financiers sont installés autour de Th. Silom ( Th pour thanon qui signifie indifféremment route, rue ou avenue ), entre le fleuve et le parc Lumphini, tandis que le quartier chinois s'articule en un labyrinthe de soi ( ruelles ) tissé à partir de Th. Charoen Krung, qui fut la première rue pavée de Bangkok.

 

« Les environs de Bangkok sont, à perte de vue, aussi plats que les polders de Hollande. La ville elle-même repose sur un archipel d'îlots vaseux que le bras principal, ou thalweg, du Ménam, découpe en deux sections. Celle de droite n'a guère droit qu'au titre de faubourg, car les huttes du peuple, les jardins et les marais y dominent. Les pagodes et les demeures des grands y sont rares. Sur la rive gauche du fleuve, au contraire, la ville proprement dite, entourée de murailles crénelées et flanquées de loin en loin de tours et de bastions, couvre un espace de deux lieues de circuit. Entre les deux sections, des milliers de boutiques, flottant sur des radeaux, s'allongent sur deux rangs en suivant les sinuosités du fleuve, que sillonnent en tous sens d'innombrables embarcations. L'animation qui règne sur les eaux est la première chose qui frappe le voyageur pénétrant au sein de cette capitale par la voie du Ménam. Bientôt son attention est attirée par la vue des palais royaux et des pagodes projetant dans les airs, au dessus de l'éternelle verdure de la végétation tropicale, leurs flèches dorées, leurs dômes vernissés, leurs hautes pyramides sculptées à jour, découpées en guipures et reflétant les rayons du soleil, et toutes les couleurs du prisme sur leur revêtement de cristaux et de porcelaine. Cette architecture des Mille et Une Nuits, la variété infinie des édifices et des costumes, indiquant la diversité des nationalités groupées sur ce point du globe, le son incessant des instruments de musique et le bruit des représentations scéniques, tout cet ensemble est, pour l'étranger, un spectacle aussi nouveau qu'agréable au premier abord. » p. 21

 

Quand on a une vue panoramique de Bangkok, le tableau que nous en que peignait H. Mouhot est très proche de la Bangkok (188)réalité contemporaine. Le Chao Phraya est toujours une voie de communication très active. Les longs convois de plusieurs grosses péniches tirées par de petits remorqueurs descendent le fleuve en charge et souvent remontent à vide; les vedettes, canots rapides et ferries composent un ballet diurne incessant. Les pagodes étincelantes et les palais royaux ponctuent l'aire urbaine de leurs ors et de leurs couleurs chatoyantes. En revanche, les marais ont été asséchés, les buildings y ont poussé comme des champignons et, à perte de vue, ce n'est plus qu'architecture audacieuse et moderne sous une « coupole » jaunâtre de pollution, sauf pendant la saison des pluies.

 

Bangkok est, de par sa situation géographique, une espèce de plaque tournante vers les autres pays du Sud-Est asiatique. Cette position en fait un lieu de passage obligatoire pour tous les voyageurs.

 

Dans le quartier de Banglamphu, non loin du palais du roi et du fleuve, Th Khao San, devint dans les années 1970, le point de ralliement des routards. Quelques échoppes et deux ou trois guesthouses leur permettaient de trouver gîte et couvert bon marché. Les Thaïlandais l'ont très bien compris et en proposant là ce qu'on ne trouvait pas ailleurs, ont su habilement tirer profit de la situation. Le bouche à oreilles suivi des guides de voyage ont fait le reste.

 

Bangkok (166)Cette courte rue est devenue au fil des années le rendez-vous de tous ceux qui aiment à retrouver leurs « repères culturels » au cours de leur périple asiatique : restaurants où l'on sert des repas occidentaux, télévisions grands écrans avec films américains ou retransmissions sportives ( en l'occurrence, la coupe du monde de football ), boutiques à souvenirs, tous les faux possibles et imaginables depuis les Ray Ban jusqu'aux diplômes universitaires en passant par Gucci et les permis de conduire, duplication de CD et de DVD, musiques assourdissantes, fausses ou vraies femmes akkhas vendant du pseudo artisanat ethnique, alcools et gogo girls pour « fêtes » à volonté ... j'en passe et peut-être des meilleures ... bref tout ce qui permettra de se sentir exister et d'épater les copains au retour ... comme à Patpong , quartier « chaud » (prostitution, cabarets, strip tease, etc ...) plutôt fréquenté par les tours organisés, un ghetto d'excès et de chaos ... Khao San ...

C'est aussi le lieu où l'on peut, grâce à une multitude d'agences de voyages, se procurer les visas étrangers et acheter les billets d'avion, de train ou de bus pour aller plus loin.

Des dizaines de cyber cafés proposent l'accès internet et les communications téléphoniques très bon marché.

 

Étape incontournable entre îles paradisiaques ( rave parties, ecstasy etc...) et « aventure organisée » dans les montagnes du nord, entre Laos, Vietnam et Cambodge, Khao San est sans doute l'un des lieux les plus emblématiques d'une certaine forme de culture hédoniste qu'on veut imaginer sans limite. Du coup on oublie facilement de respecter les cultures différentes dans lesquelles on évolue, en témoignent les tenues vestimentaires trop souvent trop dénudées ...

 

Un réseau de transport en commun très efficace quadrille la capitale secondé par un service de vedettes et canots rapides qui desservent les deux rives du fleuve et un tout récent métro aérien ( sky train ). Un autre réseau, de canaux ( Khlongs ), permettait de circuler en bateau de quartier en quartier, mais la concurrence des transports automobiles l'a finalement détrôné et quelques rares tronçons sont encore opérationnels. Les khlongs, désertés, sont trop souvent devenus des égouts à ciel ouvert dégageant malheureusement des odeurs plutôt agressives.

 

Bus, taxi , tuk tuk, motos taxis, motos, scooters et automobiles particulières sont pris presque en permanence dans une toile d'embouteillages gigantesques; le bruit et les gaz d'échappement sont les deux nuisances auxquelles un piéton ne peut guère échapper et qu'exacerbent les fortes chaleurs ( 35 à 45°C ) du début de la saison des pluies ... le calme revient tard dans la nuit mais ce n'est qu'une trop courte trêve ...

 

Bangkok (75)

 

« En outre ici, autre impression étrange : pas de bruit de voiture ni de chevaux; pour vos affaires ou vos plaisir, vous êtes obligés de descendre ou de remonter la rivière en bateau. Bangkok est la Venise de l'Orient; on n'y entend que le bruit des rames, celui des ancres, le chant des matelots ou les cris des rameurs, qu'on nomme cipayes. La rivière tient lieu de cours et de boulevards, et les canaux remplacent les rues. Un observateur n'a de choix dans ce pays qu'entre deux positions : s'accouder à son balcon, ou glisser mollement sur l'eau, couché au fond de son canot ». p.21

Pris dans le tumulte de la ville aujourd'hui cette réflexion fait rêver ...

 

Bangkok ne s'apprivoise pas facilement, à moins que ce ne soit elle qui vous apprivoise ... Au premier abord, c'est généralement un sentiment de répulsion qui apparaît. Cet excès de bruit et de pollution met très vite les nerfs à rude épreuve. Il faut du temps et de la patience pour commencer à se sentir un peu plus à l'aise.

 

Bangkok (107)D'abord il faut bien en maîtriser la géographie, mémoriser les noms des quartiers et des grandes artères de circulations qui pulsent comme celles d'un être vivant monstrueux. Puis, se familiariser avec les différents types de transport en commun, sachant que la majorité des Thaïs ne parlent pas l'anglais et encore moins le français ...

 

Alors, il ne reste plus qu'à se lancer, en affrontant ce qui, à priori, paraît insurmontable et, petit à petit, comme on apprend à déceler les nuances dans la complexité des arômes des vins d'une bonne cave, on finit par aimer et comprendre cette mégapole extrêmement active, moderne et traditionnelle à la fois. Chaque quartier, chaque lieu nous réserve des surprises.

 

Aux parfums suaves des frangipaniers s'opposent les relents d'égouts et de poubelles trop souvent débordantes malgré un service de ramassage régulier; les fragrances d'encens et d'épices se superposent en strates indistinctes aux odeurs de poissons séchés ou de préparations culinaires, piments qu'on fait sauter dans le wok et dont le piquant nous prend à la gorge, arôme délicat des lychees ou émanation nauséabonde du durian, autant de contrastes qui exacerbent parfois notre odorat sensible d'Occidental ...

 

Polychromie des fleurs, des fruits et des légumes sur les étals des marchés, incroyable « caverne d'Ali Baba » du quartier chinois où l'on trouve de tout, portraits du Roi et de la Reine partout en ville, bannières jaunes ( couleur royale et du clergé ) flottant au vent, robes oranges ou ocres des moines omniprésents, immeubles ultra modernes de béton et de verre s'opposant aux temples ( wats ) chatoyants et aux flèches dorées s'élançant vers le ciel, vieux quartiers à l'architecture sino-occidentale où s'activent mille et un petits métiers ... tout attire notre regard et suggère une nouvelle visite...

 

Au détour d'un méandre de soï ( ruelle ), on débouchera sur une aire dégagée où sont préservés de grands arbres sûrement centenaires ... partout les maisons colorées des esprits ( phii ) permettent le culte des ancêtres ... les bandes d'écoliers, de lycéens ou d'étudiants aux couleurs de leurs écoles chahutant après les cours ... des varans qu'on croise dans un parc ou dans la rue, tai chi ou aéobic ... à chaque passage à Bangkok je fais de nouvelles découvertes et ne me lasse jamais de me perdre dans l'incroyable diversité bangkokienne ...

 

Mais tard dans la nuit, loin des quartiers trop animés, lorsque la ville commence à s'endormir après une bienfaisante pluie d'orage et que dominent les cris des margouillats, des geckos et les chants des grenouilles, l'apaisement nous envahit enfin et Bangkok peut redevenir la Cité des Anges.

 

 

Bangkok (15)

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4 juillet 2010 7 04 /07 /juillet /2010 08:50

 

Wat Xiang Thong (20)

« Le 25 juillet, j'arrivai à Luang Prabang, charmante petite ville qui, s'étendant sur un espace d'un mille carré, compte une population, non de quatre-vingt mille habitants, comme le dit Mgr Pallegoix dans son ouvrage sur Siam, mais de sept à huit mille seulement. Sa situation est des plus agréables; les montagnes qui resserrent le Mékong au-dessus comme au-dessous de la ville forment une vallée circulaire, dessinant une arène de neuf milles de largeur, qui jadis a dû être un lac, et encadrent un tableau ravissant, qui rappelle les beaux lacs de Côme ou de Genève. Si ce n'était le soleil de la zone torride, qui brille constamment sur cette vallée, ou si une douce brise tempérait la chaleur accablante qui règne pendant le jour, je l'appellerais un petit paradis. » p. 285.

C'est la seule description de Luang Prabang que nous livre Henri Mouhot, d'ailleurs le récit de cette dernière partie de son voyage se résume à une dizaine de pages qui sont ses ultimes notes.

Il s'étend tout particulièrement sur sa visite au roi et ses parties de chasse; quelques pages évoquent les populations locales et leurs us et coutumes.

Luang Prabang est une ville d'à peine 30.000 habitants devenu le premier site touristique du pays et est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. Cette nomination est arrivée à temps pour limiter et réguler l'élan d'urbanisme qui n'aurait pas manqué de suivre de près ce développement qui attire tant d'étrangers depuis quelques années.

Il faut dire que cette petite ville est effectivement attrayante : son environnement, ses très nombreux temples et les vestiges de l'architecture coloniale sont des atouts indéniables et une partie de sa population a su « prendre le train en marche » !!!

Les trois rues principales du centre historique sont parallèles au Mékong et à son affluent la Nam Khan et reliées entre elles par de très nombreuses ruelles qui leur sont perpendiculaires pour beaucoup rénovées.

Luang Prabang (37)

L'artère la plus importante change quatre fois de nom sur à peine plus d'un kilomètre et à l'instar des grand'rues de nos villes de province elle est le centre névralgique de l'activité commerciale. Se succèdent restaurants, bars, boutiques de toutes sortes, cyber cafés, agences de voyage, mais aussi, rescapées d'une époque presque révolue, quelques échoppes à nouilles, une ou deux pharmacies et quelques épiceries.

Majoritairement tout s'adresse aux voyageurs/touristes à l'origine de ces commerces leur proposant tout ce dont ils ont besoin voire plus. Ainsi, peut-on prendre des petits déjeuners à l'occidentale avec croissants et baguettes beurrées, manger des pizzas ou des pancakes, des steaks frites ou bien des pâtes à la carbonara le tout arrosé de bons vins français ... Quel dépaysement !!!

Les agences proposent l'aventure organisée et le soir venu, cette grand'rue se transforme en marché de nuit où l'on pourra trouver tout ce qui se produit dans les coopératives villageoises, artisanat de pacotille pour souvent, d'inspiration ethnique certes, mais qui suit plutôt la demande de cette foule bigarrée en manque d'exotisme.

Bien sûr on peut relativiser en considérant les nouveaux revenus occasionnés par cette manne qu'apportent les « dollars sur pattes », mais par ailleurs, pour combien de laissés pour compte ?...

Pour en finir avec ce regard critique que certains trouveront certainement un peu trop sévère, je voudrais terminer en mentionnant le manque de respect de ces (trop?) jeunes « voyageurs » à l'égard de la population laotienne qu'on sait très pudique; les shorts portés bien trop courts, les débardeurs indécents, bref des tenues vestimentaires féminines qu'on verrait plutôt sur les plages de la Côte d'Azur que dans des lieux de culte ou même sur le marché aux légumes ... et ce malgré les recommandations qu'on peut lire dans les premières pages de tous les guides de voyage!

Mis à part cet aspect dérangeant sinon choquant, Luang Prabang, devenue un grand bazar, ne manque pas de charme comme le soulignait déjà H. Mouhot il y a 150 ans.

Sur le Mekong vers les grottes de Pak Ou (12)

Les montagnes environnantes offres des destinations de promenades très belles, le Mékong nous permet de circuler en bateau vers des villages et des sites remarquables et quand son niveau est assez haut c'est même une voie de circulation depuis/vers le nord ou Vientiane.

J'avais vraiment envie de revoir les grottes de Pak Ou que l'on atteint en remontant le Mékong sur environ 40 km. La pluie qui tombait presque chaque jour empêchait la promenade; finalement, l'après-midi précédent mon départ, le ciel se dégagea et le soleil apparut. Tardivement je louais au prix fort une embarcation et son pilote. Itinéraire magnifique et retour pour le coucher du soleil.

Quoiqu'il en soit, il y règne une atmosphère calme et il fait bon y flâner mais surtout tôt le matin après avoir assister à la procession quotidienne des moines allant de dévot en dévote en quête de leur ration de riz pour la journée.

Tellement de choses à voir, les temples sont magnifiques, le palais royal où Mouhot fut reçu par le roi et transformé en musée et les vestiges de la présence française ne laissent pas d'étonner, mais j'avais un rendez-vous qu'il ne fallait surtout pas manquer ...

Cenotaphe Henri Mouhot Ban Moun Savath.(2)

Luang Prabang fut la dernière étape importante pour Mouhot avant de décéder le 10 novembre 1861 au bord de la Nam Khan, affluent du Mékong, aujourd'hui sur le territoire du village de Ban Moun Savath, à seulement quelques kilomètres de l'ex capitale royale.

Il suffit pour s'y rendre de louer un vélo ou les services d'un tuk tuk; sept ou huit kilomètres sur une route, d'abord asphaltée puis devenant une bonne piste de latérite pour rejoindre le début du chemin menant au cénotaphe ( tombeau ? ) qui commence en franchissant un petit pont de bois.

L'accès a été facilité grâce à l'initiative d'un passionné, Guy Lherbier, qui a pu, après bien des péripéties et des tracasseries faire défricher le chemin et aménager le site avec une équipe d'hommes du village de Ban Moun Savath qui a depuis la charge de leur entretien. Il y fit également installer une statue en pied de Pavie, qui semble, en retrait à la lisière de la forêt, veiller sur notre voyageur.

Sur la route du retour, je fais une courte étape à Ban Phanom sous la pluie pour une visite rapide du village qui a bien changé .

En arrivant en ville, nous passons devant un atelier devant lequel j'aperçois une statue qui, dans le style ressemble fort à celle de Pavie. Le soir même je reviens pour apprendre que le sculpteur, Phmi Pha, est effectivement celui qui a réalisé la statue qui veille sur Mouhot . Malheureusement je ne pourrais pas le rencontrer. En revanche sa fille met à ma disposition les documents qui servent à la réalisation des œuvres. Celle qui se trouve à l'extérieur en est une en devenir de Louis Delaporte ...

Atelier du sculpteur Phmi Pha. Luang Prabang.(1)

En mai 1867, Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier ( chefs de l'expédition Mékong ) ont chargé Louis Delaporte de faire ériger le cénotaphe qui fut déplacé vers le haut du cours de la rivière Nam Khan par Auguste Pavie en 1887.

J'ai déposé quelques fleurs cueillies sur le bord de la rivière, accompagné par un magnifique papillon bleu et noir qui s'est posé là un moment, et m'en suis allé sous la pluie ...

 

Cenotaphe Henri Mouhot Ban Moun Savath.(8)

 

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 07:48

Grotte de Khao Luang Phetchaburi (6)

Après quinze mois de voyage au travers du Cambodge et dans l'est de la Thaïlande, Henri Mouhot revint le 4 avril 1861 à Bangkok qu'il retrouva avec joie dans la perspective d'un petit peu de confort. Il y resta un mois en reprenant probablement contact avec les relations qu'il y avait nouées et il fut comblé par un énorme paquet de lettres lui apportant des nouvelles de sa famille. Il eut le temps de mettre de l'ordre dans ses notes et de préparer la suite de son périple qui le conduira jusqu'à Luang Prabang au Laos.

« Une autre grande joie, après ces quinze mois de voyage et de privation absolue de nouvelles d'Europe, fut, en arrivant à Bangkok, de trouver un énorme paquet de lettres m'apprenant une infinité de choses intéressantes de la famille et de la patrie éloignées. Qu'il est doux, après tant de mois de solitude et d'absence de nouvelles, de relire les lignes tracées par les mains bien-aimées d'un vieux père, d'une femme, d'un frère ! Ces jouissances, je les compte aussi parmi les plus douces et les plus pures de la vie ». p. 214 

Je ne suis resté à Bangkok que quelques jours, le temps de revoir les amis, d'expédier par internet la suite de mon travail et d'obtenir le visa laotien. Toutes proportions gardées, un voyage en 2010 peut se vivre comme au milieu du XIXème siècle, les mêmes préoccupations, la joie de quelques nouvelles de mon épouse, de la famille et des proches m'arrivant par courriels mais sans que la solitude ne pèse, d'ailleurs je m'en accommode parfaitement et de toute façon les rencontres intéressantes sont très fréquentes.

J'ai écrit au Roi Bhumibol Adulyadej ( Rama IX) au tout début de ce périple pour solliciter une audience à l'instar de mon prédécesseur qui fut présenté au Roi Mongkut ( Rama IV ) son illustre aïeul et pendant le règne duquel l'influence chinoise déclina au profit de l'Occident.

D'abord ce n'était qu'une idée parmi d'autres, mais en en parlant avec mes nouvelles amies thaïlandaises, je finis par être convaincu de la possibilité d'une telle démarche. Mon et Tukie avaient plus d'un argument à me soumettre : le Roi parle et lit le français, c'est un musicien ( saxo ) et aussi un bon photographe. Et puis, très malade, arrivant à la fin de sa vie, il aurait peut-être la curiosité de me rencontrer ... Tukaï se débrouilla pour trouver l'adresse de son cabinet de doléances et m'écrivit cette adresse sur une enveloppe dans sa superbe écriture thaï ... Malheureusement, à ce jour toujours aucune réponse ...

« Cependant les pluies ayant commencé, tout le pays [ le Laos ] est inondé et les forêts sont impraticables. J'avais donc quatre mois à attendre avant de mettre ce plan à exécution. Je m'empressai de mettre en ordre ma correspondance, d'emballer et d'expédier toutes mes collections, et après un séjour de quelques semaines à Bangkok, je me remis en route pour la province de Petchaburi, située vers le 13ème degré de latitude nord, au nord de la péninsule malaise ». p. 215

      Phetchaburi (1)

Quatre jours plus tard, le 10 juin, et après avoir obtenu mon visa laotien, je pris un train matinal à destination de Phetchaburi.

Deux heures d'un voyage confortable dans une étonnante « micheline » diesel de deux wagons avec, malheureusement l'air conditionné mais un service de bord excellent : boisson et repas servis par des hôtesses en uniforme. 

Après quelques centaines de mètres parcourus à pied depuis la gare, à ma grande surprise je suis interpellé par une dame en moto qui me demande où je vais et après lui avoir indiqué le nom de la guesthouse où je me proposais de résider, elle m' invite à monter et sans autre pensée que de me rendre service me conduit à l'adresse indiquée ... 

Phetchaburi est une petite ville d'à peine plus de 40.000 habitants où on ne croise que de rares touristes ce qui la rend plus agréable car on n'est jamais harcelé par les conducteurs de tuk tuk ou les vendeurs de toutes sortes dont l'insistance est le lot quotidien d'une promenade à Bangkok. Elle n'est pas très loin de la mer et en faisant vite j'aurais même pu aller pu aller piquer une tête dans les eaux du golfe de Thaïlande ... 

Je consacrais ma première après midi à la visite de ces grottes sanctuaires Khao Luang et Khao Bandaï It si belles et que Mouhot prit un certain plaisir à découvrir.

« En quittant le sommet de ce mont, [ Khao Wang ] nous descendîmes dans les profondeurs d'une antre, à trois milles de distance, qui est également un volcan éteint ou un cratère de soulèvement. Ici se trouvent quatre ou cinq grottes, dont deux, surtout, sont d'une largeur et d'une profondeur surprenantes, et d'un pittoresque extrême. A la vue d'un décor qui les représenterait avec fidélité, on les croirait l'œuvre d'une riche imagination, et on nierait qu'il soit possible de rien voir d'aussi beau dans la nature ». p. 219

      Grotte de Khao Luang Phetchaburi (7)

Le lendemain matin, j'explorai la petite colline ( Khao Wang ), où est installé le palais du Roi à le périphérie de la ville. C'est comme un grand jardin boisé, qui est d'ailleurs un parc national historique et où l'on circule sur des chaussées pavées ou asphaltées, c'est aussi le domaine des singes qui y vivent en groupes très importants. Je ne sais pas si le Roi y vient encore de temps en temps, mais c'est un bel ensemble architectural d'influence européenne et il fait bon y prendre son temps. Depuis le sommet on a une vue admirable su le ville, les campagnes environnantes et les montagnes de la chaine de Tennasserim. 

« Notre première promenade fut pour le mont le plus rapproché de la ville, au sommet duquel se trouve le palais du roi. De loin l'apparence de cette construction d'architecture européenne est charmante, et sa situation sur la hauteur est des mieux choisies. Une magnifique chaussée y conduit depuis le fleuve, et le sentier sinueux qui mène à l'édifice a été parfaitement ménagé au milieu des roches volcaniques, basaltes, scories, qui couvrent toute la surface de cet ancien cratère » p. 218

Khao Wang colline au Palais Phetchaburi (18)    

Après un séjour de quatre mois à Phetchaburi, Henri Mouhot remonta à Bangkok pour préparer la suite de son voyage et se soigner de la gale. C'est à Bangkok qu'il apprend que :

«  ( ... ) le bateau à vapeur sur lequel la maison Gray, Hamilton et Cie, de Singapour, avait chargé mes dernières caisses de collections vient de sombrer à l'entrée de de port. Voilà mes pauvres insectes qui m'ont coûté tant de peines, de soins et de mois de travail à jamais perdus !... Que de choses rares et précieuses je ne pourrais sans doute pas remplacer, hélas ! » p. 224 

Je n'avais rien à faire de particulier à la capitale, aussi décidais-je de ne passer à Bangkok que le temps de sauter dans un bus à destination de Nakhon Ratchathani ( Khorat ).

Voyage en bus confortable sans encombre et sans rien de notable à signaler.

Dès les abords de la ville, aujourd'hui très importante, je sens que je n'y trouverai que l'ambiance bruyante et polluée d'une ville de province comme il y en a tant, sans attrait et rien de particulier à voir, d'ailleurs, Henri Mouhot n'y resta pas bien longtemps, et, à partir de là, on dirait qu'il part en marche forcée, brûlant les étapes : Chaiyaphum et Pukieou n'était alors que des villages et depuis Khorat, ce n'était que forêt épaisse qu'il traversa aisément à dos d'éléphant. Lé 12 avril il avait quitté Bangkok et il arrivait à Loei (Leuye) le 16 mai.

 

« Le 12 avril, j'avais quitté Bangkok; le 16 mai, j'arrivai à Leuye [ Loei ], chef lieu d'un district relevant à la fois de deux provinces, de Petchabun et de Lome, et situé dans une vallée étroite comme tous les villages et villes que j'ai rencontré depuis Tchaïapoun jusqu'ici. C'est le district de Siam le plus riche en minerai. Un des monts renferme des gîtes immenses d'un fer magnétique d'une qualité remarquable; d'autres de l'antimoine, du cuivre argentifère et de l'étain » p. 279

Chiang Khan (17)    

Je passai Chaiyaphum et Pukieou sans regret, à y voir de plus près, pour arriver à Loei; plutôt que de rester dans une ville inintéressante et pour gagner un peu de temps je décidai de ne pas m'y installer mais de pousser un peu plus au nord jusqu'aux rives du Mékong à Chiang Khan.

J'avais appris à Bangkok que les 11 et 12 juin avait lieu à Dan Sai, à cinquante kilomètres à l'ouest de Loei, une grande fête des masques, le Phi Ta Khon, pour honorer les esprits ( Phii ) et unique en Thaïlande. Mais je l'avais complètement oubliée  et la mémoire me revint quand il fallut trouver une chambre. Tout était complet et on me dit qu'il en était de même à Loei.

Il était déjà tard et je fis confiance au conducteur du tuk tuk qui moyennant supplément consentit à me conduire à un « resort », petit complexe hôtelier, loin à l'extérieur de la ville. Je m'attendais à payer un prix exorbitant, il n'en fut rien et on me proposa un petit bungalow très au calme dans la campagne. Je demandai à mon conducteur de venir me reprendre le lendemain matin pour me ramener à Chiang Khan.

Le dimanche matin ( 13 juin ), comme convenu, le tuk tuk était là à m'attendre et me conduisit vers une guesthouse que je trouvai fort animée à cette heure matinale. Une douzaine de motos de toutes cylindrées étaient garées dans la rue et les motards terminaient leur petit déjeuner. Ils étaient venus pour assister au festival à Dan Sai et s'apprêtaient joyeusement à rentrer à Bangkok. Départ évidemment pétaradant ... j'ai dû attendre une bonne heure avant de pouvoir m'installer dans une jolie chambre ouvrant sur une grande terrasse donnant sur le Mékong et le Laos..

Chiang Khan (13)    

Chiang Khan est un petit bourg sur la rive gauche du fleuve qui fait ici la frontière entre la Thaïlande et le Laos, sans prétention particulière il est une étape pour les touristes thaïlandais à qui s'adressent la majorité des boutiques installées dans des maisons traditionnelles en bois et proposant tee shirts, textiles et autres souvenirs ... et d'un coup de bicyclette, on s'évade vite vers la campagne composée d'une mosaïque de rizières où les paysans sont occupés à repiquer le riz, de quelques plantations de bananiers et de jardins potagers.

Avant mon départ pour l'Asie j'avais lu un article mentionnant des vignobles dans la région de Loei. Ayant moi-même travaillé pendant longtemps dans les vignes du Valais en Suisse j'étais fort intéressé par le sujet. Puisque Mouhot était passé par là, je pouvais me permettre ce petit détour et aller découvrir la propriété du Château de Loei une soixantaine de kilomètres vers l'ouest et s'il y avait eu des vignes à l'époque, il n'aurait sûrement pas manqué de faire le détour lui aussi ...

Cela me prit une journée presque entière, entre le déplacement et la visite. 

Bien évidemment personne ne parlait l'anglais mais je finis par trouver un employé qui en pratiquait quelques mots, suffisamment pour comprendre que je voulais visiter la propriété. Il me dit d'attendre un moment et revint très vite avec une autre personne qui m'invita à monter à bord d'un 4x4 et ainsi je pus découvrir ces fameuses vignes. C'est là que l'on composa les premiers vins thaïs en 1995, essentiellement de la syrah et du chenin blanc,mais aussi du malaga et du pokdun un cépage autochtone. Mon chauffeur ne parlant pas l'anglais et moi pas le thaï, je n'eus guère d'explications supplémentaires et bien pire, à la cave de dégustation il n'y avait plus de vin à déguster, je ne saurais donc pas quels sont les goûts des différentes productions du Château !!!

Au retour je pus glaner quelques informations supplémentaires : propriété d'environ 5 ha, production annuelle de 10.000 bouteilles et vendanges en février. Voilà pour le clin d'œil viticole, un peu déçu quand même ...

      Domaine du Chateau de Loei (7)

Pour rallier la frontière à Kaen Thao seulement distante de soixante kilomètres de Chiang Khan, il n'y a pas d'autre possibilité que de retourner à Loe id'où un taxi collectif me conduisit à Thali où je n'eus pas longtemps à attendre pour embarquer dans un autre qui me conduisit rapidement au poste frontière thaïlandais.

 

Après le passage à pied du « Pont de l'Amitié » enjambant une rivière ocre chargée de limon et refusé l'offre d'un tuk tuk me proposant de me conduire plus loin, je continuai à pied et parcourus les deux cents mètres qu'il me restait à faire.

Postes frontières somptueux de part et d'autre; deux arches en béton ouvragé marque d'un côté la sortie/entrée de Thaïlande, et de l'autre l'entrée/sortie du Laos.

Il était midi. Calme plat, repos et sieste au programme ...

Les Thaïs ne posent aucune question et apposent le tampon de sortie sur mon passeport sans problème.
En revanche, du côté lao, j'ai vraiment l'impression de déranger et, en guise de représailles ou par simple curiosité, un tout jeune fonctionnaire en uniforme se donne pour tâche de faire l'inventaire presque exhaustif de mes sacs ...

Deux ou trois personnes et un circuit entre quelques bureaux sont nécessaires pour accomplir les formalités, qui se résument au remplissage d'un petit formulaire et à un coup de tampon, il faut bien s'occuper ... qui plus est, cette frontière n'étant ouverte que depuis un peu plus d'un an, les falangs, de passage doivent être rares, profitons-en donc ... ( falang, dérivé du mot thaï qui signifie français et qui est devenu le mot générique pour désigner les étrangers )

La frontiere cote Thailande (2)

Là un nouveau tuk tuk m'interpelle, cette fois je ne m'y soustrait pas car sais que l'endroit où je dois embarquer dans un songthaw ( taxi brousse ) est assez éloigné.

Après un petit kilomètre, la route bitumée laisse place à une piste de latérite ...

L'endroit pompeusement présenté comme la gare routière n'est qu'un espace dégagé où quelques arbres dispensent une ombre rare aux quelques personnes se trouvant là. 

Sous un arbre mon songthaw attend mais ne piaffe pas d'impatience, sur un châlit son chauffeur fait la sieste, sa femme qui s'occupe d'encaisser le prix du voyage me fait comprendre qu'on ne partira pas avant 14h00 ... je dépose mes sacs et baguenaude un moment, prenant le temps d'assister à une partie de pétanque qui se déroule un peu plus loin ...

Une route en contrebas conduit à un hameau avec quelques commerces dont un restaurant qui fait aussi guesthouse. .
Je m'y installe et commande un laâp, c'est une spécialité laotienne.

La recette originale est une espèce de salade de viande crue hachée très fin ( bœuf, poulet ou même poisson ) que l'on fait « cuire » au citron, on y ajoute de la coriandre, du piment et de la menthe fraîche, un peu d'ail, parfois des germes de soja et l'on sert accompagné de riz collant et de légumes frais crus, concombre, tomates ou haricots sur lit de salade. C'est un plat que j'ai toujours apprécié mais avec de la viande cuite et je ne m'attendais pas du tout à ce qu'on me serve la recette originale ... j'avoue que j'ai eu un peu de mal, la viande n'était pas hachée menu et c'était terriblement pimenté ...

 

Retour aux boulistes ...

Le chauffeur ronflait, vraiment, et ne semblait pas vouloir se réveiller, c'est sa femme qui vers 15h00 le remua ... ébrouement, quelques mouvements d'échauffement, remplir d'eau le radiateur et un peu de bavardage ... enfin, en route ...

les premiers contacts cote laotien (2)    

Les quinze premiers kilomètres la piste était bien nivelée mais après cela devint terrible ... Chantiers ponctuels tout le long de l'itinéraire. Quelques engins, une poignée d'ouvriers, d'énormes buses en bétons et des nids de poules qui avaient plutôt la taille de nids de dinosaures ... villages qu'on traverse et qui ont pris la couleur ocre de la poussière de latérite enveloppante et qui doit être source de bien des problèmes ORL et ophtalmo, surtout chez les enfants ...

Route qui, si tout va bien, sera opérationnelle dans quelques années. 

Travail gigantesque qui évidemment s'accompagne de son lot de déforestation, mais la problématique n'est pas récente.

La pression économique pousse les villageois à se lancer dans des cultures à grande échelle pour eux inhabituelles: le maïs et le tek occupent donc toutes les pentes accessibles faisant reculer rapidement la forêt et mis à part quelques plantations de bananiers je n'ai pas rencontré beaucoup de diversité.

On croise, ou on dépasse, souvent sur les bords de la piste des paysans et leurs enfants lourdement chargés de bois qu'ils ont dû aller chercher très loin de chez eux puisque à proximité il n'y en a plus, probablement plusieurs heures de marche, sans compter que le maïs doit leur être payé une misère...

      La route vers Paklay (8)

La route bien sûr leur apportera beaucoup, mais en contre partie combien de nuisances et d'inconvénients dont ils ne prennent pas encore conscience ?

Apportant modernité et dépendance à ces populations naguère autarciques et relativement libres, elle est déjà source visible et sensible de pollution et les signes avant coureurs de la globalisation ont fait leur apparition : téléphones portables, motos, 4 x 4 etc...

Contradictions du système libéral dans lequel le monde est installé ... 

Des 4 x 4 flambant neufs, mais couverts de poussière sont lavés à grandes eaux; opération à répéter combien de fois par jour si l'on veut un véhicule rutilant ?!!! ... ici l'air est poussière et nul endroit n'est assez hermétique pour y échapper; elle est fine comme de la farine et s'infiltre absolument partout, le moindre souffle d'air, le moindre pas en soulève un nuage ! Alors que dire des camions qui passent à vive allure ?! ... 

Secoué comme jamais, une des pires routes que j'aie pratiquées, couverts de poussières et rompus, nous arrivons deux heures plus tard à Paklay. 

Henri Mouhot n'a pas eu à affronter cette terrible poussière. Il passait de village en village, à pied, à dos d'éléphant ou en pirogue quand les cours d'eau le permettaient. Ses déplacements ne se comptaient pas en heures mais en jours et le rythme chaloupé de l'éléphant était sûrement bien plus propice à l'observation et à la réflexion que celui d'un taxi brousse aux amortisseurs trop fatigués ... un voyage alors était vraiment une aventure périlleuse pendant laquelle les repères étaient totalement différents ...

La route vers Paklay (3)    

« Le 24 juin j'arrivai à Paklaïe [ Paklay ](latitude 19° 16' 58'' ) qui est la première bourgade de cette principauté [ de Luang Prabang ] située sur le Mékong que l'on rencontre en venant du sud. C'est un charmant village, très riche, et plus grand et plus beau que ceux que j'ai rencontré jusqu'ici dans ce pays; les maisons y sont élégantes et spacieuses, et tout y annonce une aisance et un bien-être que depuis j'ai remarqués dans toutes les localités où je me suis arrêté. » p. 281

Comment décrire une ville qui n'en est pas vraiment une ? Elle en a l'organisation géographique : rues principales parallèles au fleuve, ruelles au cordeau perpendiculaires et quelques « places », mais rien ne semble fini ou, pour les quelques maisons de style colonial laissées là par les Français, à moitié abandonné ...

Les rues sont défoncées, jonchées de détritus et évidemment poussiéreuses.

Un grand marché couvert est l'un des deux centres névralgiques économiques, l'autre étant « le port » sur le Mékong, vital pendant la saison des pluies car alors, les pistes deviennent impraticables.

La population est installée dans une relative oisiveté et rien ne laisse transparaître une quelconque agitation. Les joueurs de boules s'activent en fin d'après-midi et les hamacs remplissent leur office tout au long de la journée.

Les jeunes qui parlent quelques mots d'anglais font part de leur découragement et s'interroge sur leur avenir. Aucune formation, pas de possibilité de travail ... alors on songe à quitter Paklay pour Luang Prabang ou Vientiane avec l'espoir de décrocher un hypothétique emploi ... toujours la même vieille histoire ...

Paklay (27)

Mais, comme partout d'ailleurs, les gens sont chaleureux et aiment à rire, souvent à nos dépens ...

Je ne rejoindrai donc pas le point de vue de Mouhot pour décrire Paklay comme une ville charmante, en revanche, le cadre naturel est somptueux.

Le Mékong déroule son cours encadré par les montagnes et la jungle. Sur la rive gauche, la forêt touche presque le fleuve.

Étiage. Des rochers affleurent à la surface des eaux. Le port, co-financé par les Australiens, est ces jours-ci en pleine activité. De grands bateaux sont amarrés et l'on charge des centaines de lourds sacs de maïs qui iront vers Luang Prabang en amont, ou Vientiane ( exportation ) en aval. 

Le ciel est aujourd'hui ( 17 juin ) lourd de nuages et l'orage a éclaté de l'autre côté sans qu'il ne tombe une seule goutte sur la ville. Cela nous vaut des ciels magnifiques et un arc en ciel déploie son arche sur la forêt ensoleillée... 

J'allais oublier d'évoquer un événement « universellement » suivi : la coupe du monde de football. Même à Paklay, les tableaux des différente rencontres sont affichés et certains restaurants proposent sur écran géant la retransmission des matches. Ainsi ai-je pu suivre un moment la rencontre Suisse -Espagne mais comme le foot n'est pas ma tasse de thé j'ai très vite déserté les lieux ...

      Paklay (26)

Mouhot ne s'est pas étendu sur la description de Paklay, pas plus qu'il ne décrit ses déplacements dans cette partie aujourd'hui encore reculée du Laos. Il n'y est pas resté longtemps. Il voyageait depuis trois ans déjà et devait évidemment commencer à ressentir de la fatigue et peut-être de la lassitude : il voyageait lentement et sans doute éprouva-t-il des moments de grand découragement malgré les motivations qui l'animaient. 

Vivant en accéléré ce qu'il avait vécu jadis je peux facilement me mettre à sa place, mais je constate que dans le cours de son récit, il laisse peu de place à ses sentiments, par pudeur ?... ou par orgueil peut-être ? ... car en ce qui me concerne, combien de fois me suis-je dis : «  Ras le bol !!! ... marre de cette poussière !!!... etc » et je crois que c'est ce genre d'exclamation qu'il a dû, en d'autres termes, proférer plus d'une fois !!! ... 

Une journée « d'exploration » aura suffi pour me faire une idée. Il était temps pour moi de quitter Paklay et de rallier Luang Prabang via Sainyabuli que Mouhot ne mentionne pas, en revanche il parle de Thadeua, qui n'est un petit village de part et d'autre du Mékong que l'on franchit ici grâce à un ferry.

Paklay (42)

Ayant voyagé sur la rive droite du fleuve, il fallait bien à un moment ou un autre le franchir pour pouvoir arriver à Luang Prabang, curieusement, Mouhot n'évoque à aucun moment cette nécessité.

Départ à 7h00 le 18 juin, depuis la « gare routière » sud, il a fallu bien sûr attendre que le taxi brousse ait son quota de passager, largement le temps de prendre un café ... comme j'étais le premier, j'ai pu revendiquer une place dans la cabine à côté du chauffeur. Privilège que personne par la suite n'a contesté; un peu plus de confort et un tout petit peu moins de poussière ... 

Succession de brûlis, de forêts dévastées et, encore et encore, des plantations de maïs et de tek. Chantiers épars, petits villages ocre où nulle vraie activité ne semble se déployer.

Au bout de deux heures, la boîte de vitesse lâche ... tout le monde descend sans qu'on ait garé un tant soit peu le véhicule ... concertation, sac à outils et, en un petit quart d'heure la réparation était faite, je ne sais pas comment, mais cela a tenu jusqu'au bout ...

Vers midi nous arrivons à Sainyabuli. Un bus pour Luang Prabang est annoncé au départ pour 14h00, il ne partira qu'une heure plus tard.

Nous atteignons enfin le Mékong en même temps qu'une grosse averse d'orage et en attendant le ferry sur lequel le bus embarquera tant bien que mal, j'entame une discussion avec M. Kchyang qui m'explique que le niveau si bas du fleuve est dû à la mise en eau relativement récente d'un barrage construit dans le sud de la province du Yunnan en Chine ... ne dit-on pas que la prochaine guerre sera celle de l'eau ? Et je crois que le conflit est déjà commencé ...

Passage du Mekong en ferry a Tha Deua (5)    

De l'autre côté la route en devient vraiment une. Par monts et par vaux, égrainant les villages nous arrivons enfin à Luang Prabang juste avant la nuit, mais comme partout , la gare routière est très éloignée du centre ville et il faudra encore négocier ferme le prix de la course en tuk tuk vers le centre ville où je trouvai sans problème un hébergement, non loin du Mékong.

 

Grotte de Khao Bandai It Phetchaburi (11)

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25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 13:50

Pascal Royere mission EFEO Baphuon (2)    

Christian Simon : Pascal Royère, vous êtes le chef de la mission de l'EFEO ( l'École Française d'Extrême Orient ) à Angkor sur le site du Baphuon. Est-ce que vous pouvez m'expliquer le pourquoi, le comment et le devenir de ce travail ?

Pascal Royère : pour comprendre le travail de restauration du Baphuon qu'on est en train d'achever en ce début de XXIème siècle, il faut remonter finalement à la fin du XIXème. C'est le projet historiquement le plus long de l'EFEO, une institution  créée par le Gouvernement français en 1900; un institut de recherche qui avait pour vocation d'étudier les civilisations d'Asie et d'Indochine sachant qu'au début du XXème siècle cela faisait à peine cinquante ans que la France s'était implantée sous la forme de protectorats au Laos, au Vietnam et au Cambodge. Dans une stratégie de développement du pays, bien évidemment, mais aussi de compréhension des pays et pour en étudier les civilisations. L'urgence en fait, a été Angkor et les premiers travaux de l'EFEO ont été centrés sur la civilisation angkorienne.

EFEO Chantier Baphuon (2)

La connaissance par l'Occident d'Angkor et de ses temples remonte, dans un premier temps au milieu du XIXème siècle, avec des gens comme Henri Mouhot qui fait partie des premières personnes à voyager dans la région, à relater ce qu'il voyait et à entreprendre de le décrire. On a parlé de lui, à une certaine époque, comme étant "le" découvreur d'Angkor  car cela satisfaisait un discours de politique intérieure pour justifier les actions extérieures et très éloignées. Mais dans le monde moderne, en tout cas en France, c'est la première personne qui relate l'existence d'un site monumental enfoui sous la végétation apparemment abandonné, il était de bon ton alors de dire qu'il était abandonné mais il faut savoir que des populations habitaient ici, Angkor n'était plus une agglomération, c'était simplement un ensemble de  petits villages qui ont toujours existé dans ou autour d'Angkor et qui avaient leurs propres pratiques dans ces temples en ruine. L'EFEO est une des conséquences du passage de Mouhot dans la région qui va se traduire par un intérêt croissant, dans la deuxième moitié du XIXème siècle, du monde savant français pour ce qui se passait ici et ce que l'on y découvrait ...

EFEO Chantier Baphuon (9)

On voit apparaitre les premiers inventaires à partir de 1880. Tout cela va aboutir à la création d'une société savante, d'abord l'Institut d'Archéologie d'Indochine  qui deviendra en 1900, l'EFEO. Le projet sur lequel on est aujourd'hui est un projet qui est un peu emblématique de l'EFEO parce qu'il mêle archéologie et restauration. Ce projet a débuté en 1908, date de la création de la Conservation d'Angkor. La Conservation d'Angkor, qui est une émanation de l'EFEO n'a été créée qu'en 1908, car jusqu'en 1907 les provinces de Siem Reap, et Battambang étaient aux mains du Royaume siamois. La France a œuvré pour la réalisation d'un traité de rétrocession de ces provinces ce qui a permis à Siem Reap et au Parc d'Angkor d'être de nouveau au Cambodge et a partir de là, la France a pu implanter ses services dans la ville de Siem Reap. Quand Mouhot est venu ici il n'était pas au Cambodge à proprement parler, mais dans une dépendance du royaume de Siam.

Les premiers travaux ont consisté en un grand dégagement des temples qui étaient enfouis sous une épaisse végétation. Le Baphuon fait partie des premiers édifices à avoir été dégagés. C'est l'un des plus colossaux par ses dimensions et il est aussi fragile que colossal; en gros, de 1908 à 1950 dégagement de la végétation et étaiement provisoire pour essayer de contenir des structures qui partaient dans tous les sens, une ruine qui évoluait très vite avec un certain succès d'un côté et d'un autre beaucoup d'échecs avec de graves effondrements qui se sont produits sur le Baphuon en 1943 et à la fin des années 1940.  

EFEO Chantier Baphuon (2)

La Conservation d'Angkor était au tout début une simple cabane sur le bord de la douve d'Angkor Vat et le premier conservateur, Jean Commailles y était installé. Entre 1908 et 1960 tout cela à évolué en un service culture et archéologie pris en charge par le Service de Monuments Historiques qui cumula toutes les parts d'Angkor. En 1960 l'institution qu'était la Conservation d'Angkor avait des capacités très importantes et avait décidé de lancer des grands programmes de restauration parmi lesquels l'urgence était celle du Baphuon par anastylose. Anastylose (démontage pierre par pierre d'un édifice pour le remonter à l'identique) qui sous entendait qu'on n'était pas sur un monument qui présentait des faiblesses structurelles énormes  mais qu'on ne pouvait contenir in situ, en l'état, donc il fallait  passer par une opération de démontage provisoire pour reconstruire le monument à partir de ses propres éléments sur des fondations stabilisées.

De 1960 à 1970 le chantier va employer en moyenne 400 personnes .Cela passe d'abord par le relevé systématique de toutes les pièces que l'on souhaite démonter. Une pyramide de 1 hectare et demi au sol sur 35 m de haut, tout a été démonté pierre par pierre, numérotées et déposées dans la forêt sur une superficie d'environ 10 ha; il y a eu approximativement 300.000 pierres et fragments de pierre déposés. Dans la deuxième partie des années 60 le Cambodge a basculé dans la guerre du Vietnam et la province de Siem Reap a été prise par les Vietcongs à partir de juin 70. Le chantier en était alors au tout début de sa phase de remontage, tout avait été démonté, le premier étage était consolidé le deuxième en voie de consolidation. Il a fallu alors clore le chantier fin 71 et attendre 1995 pour que l'EFEO puisse, après la les accords de Paris signés en 1991, reprendre le chantier interrompu par ces deux guerres et le mener à son terme.

EFEO Chantier Baphuon (10)

CS : après le régime Khmer rouge donc; à ce propos, j'ai lu « le portail »de François Bizot qui a été pris par les khmers alors qu'il était à Angkor pour l'EFEO ...

PR : il était topographe, a beaucoup travaillé sur la céramique d'Angkor et est devenu un grand spécialiste des traditions bouddhiques locales, c'est à dire des interprétations des textes bouddhiques les plus anciens, relevant du petit véhicule; dans chaque pays, dans chaque culture il y une sorte d'imprégnation particulière et d'acculturation par le pays. Il y a donc un bouddhisme, thaÏ un bouddhisme cambodgien et Il y a des variantes dans un bouddhisme lao. 

CS : Pouvez vous me parler ce cette présence impressionnante des arbres sur les sites et qui sont manifestement le lien des pierres parfois ?

PR : il faut savoir que le parc d'Angkor est inscrit au Patrimoine Mondial de l' UNESCO et quand on dit parc on dit bien parc. Les monuments et les terrains boisés ou non qui les séparent font partie de ce patrimoine cela veut dire que la végétation en fait aussi fait partie. C'est une vraie problématique, je ne dis pas que c'est un problème mais c'est une chose très complexe à gérer parce que c'est évident que la forêt fait partie du patrimoine archéologique angkorien au niveau esthétique et qu'il n'y a aucune raison de la détruire; mais cette forêt, tout aussi belle soit-elle et tout aussi beaux soient les ensembles qu'elle compose avec les monuments, est malgré tout dévastatrice et il y a un travail de gestion complexe à réaliser. Durant le XXème siècle les principaux monuments ont été dégagé des structures racinaires et des arbres les plus dangereux pour eux, malgré tout la forêt est très proche et on a quand même la notion d'écrin.

EFEO Chantier Baphuon (4)

Quelques temples, le Ta Prohm par exemple, ont été volontairement laissés un petit peu à l'abandon dès le début du XXème siècle par l'EFEO, parce qu'il avait été décidé de laisser un monument témoin de l'état dans lequel étaient ces temples à l'arriver des premiers explorateurs. La ruine du Ta Prohm doit sa beauté à la composition architecturale des bâtiments mais ce qui fait son originalité c'est justement la présence de la végétation combinée à la pierre. La durée de vie des édifices est bien plus longue que celle des arbres. Ces arbres ne dépassent pas une durée de vie d'une centaine d'années. Parce qu'ils sont très grands, souvent ils sont foudroyés et donc ils meurent. S'ils ne sont pas foudroyés il arrive qu'ils soient cassés en deux par un coup de vent ou, comme ils n'ont pas de racines profondément ancrées au sol, il n'est pas rare qu'ils tombent sans vent emportés par une canopée déséquilibrée.

Il y a peu d'arbres au Cambodge qui ont des racines-pivots, c'est à dire profondes. Les arbres que vous voyez dans les temples ont des réseaux racinaires superficiels qui ne s'enfoncent pas dans le sol et donc n'assurent pas une grande stabilité aux arbres des hautes futaies. Comme ils sont dans les temples cela pose le problème de la destruction du temple et souvent, les arbres se sont fixés sur les structures maçonnées. Il y a un processus qui s'installe, les racines ont déstructuré les maçonneries qui au bout d' un moment se déséquilibrent et ne sont maintenues que par la puissance des racines, mais l'arbre ne vit pas longtemps et lorsqu'il meurt ses racines ne tiennent plus rien et le tout s'effondre. D'où la problématique qui consiste à préserver la forêt qui fait partie de l'image d'Angkor, tout en tenant compte de son interaction destructrice avec les édifices. En pariculier au Ta Prohm qui est l'icône angkoriennne dans le monde entier.

Pascal Royere mission EFEO Baphuon (1)

Quiconque pensant à Angkor pense à Angkor Vat et à un fromager qui ronge les structures du Ta Prohm. Des échafaudages sont installés sur le pourtour de grands arbres pour les élaguer en éliminant les branches mortes qui pourraient les déséquilibrer; heureusement on n'est pas dans une région de grands vents ....

Pascale Royere est depuis 17 ans sur le chantier du Baphuon qui sera terminé en mars 2011. Un autre projet est en cours d'étude de financement pour la restauration du Mebon occidental qui est un temple îlot au milieu du Baray (bassin) ouest.

Ce texte est la transcription  d'un entretien enregistré, merci de l'indulgence que vous porterez à la syntaxe parfois malhabile.


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20 juin 2010 7 20 /06 /juin /2010 10:00

 

Preah Vihear (34)

J 'avais travaillé toute la nuit, jusqu'à 4h30 ce mardi 1° juin et Lucky ( mon « moto dop ») passait me prendre à 5h00 pour un long périple en moto vers le Preah Vihear.

Ce temple montagne bâtit entre le IXème et le XIIème siècle, est situé à 250 km au nord de Siem Reap et domine du haut d'une falaise de 750 m, les plaines cambodgiennes vers le sud.

Installé juste à la frontière entre les deux pays, il est l'objet d'un conflit ouvert entre les Thaïlandais et les Cambodgiens depuis des générations et les deux armées s'y font face, avec quelques accrochages de temps en temps, mais depuis quelques mois, c'est le statu quo ...

Juste le temps de prendre une douche rafraîchissante, sans possibilité de prendre un petit déjeuner et nous voilà partis dans le jour naissant. Pendant les premiers kilomètres, j'étais curieusement très en forme malgré une nuit sans sommeil, mais après une petite heure de route, bercé probablement par le ronronnement de la petite japonaise de 100cc, je commençais à piquer du nez trop souvent, j'aurais pu tomber ... Il fallait absolument s'arrêter pour prendre un café. Ce que nous fîmes d'ailleurs plusieurs fois, profitant d'un arrêt pour avaler un bol de nouilles.

La route est en excellent état, large, asphaltée et peu fréquentée. Passant de village en village, traversant de grandes forêts, ce début de journée s'annonçait bien.

                                          Sur la route vers le Preah Vihear (3)

A mi chemin vers Anlong Veng, la forêt disparut tout d'un coup laissant place à de grandes étendues essartées de terre ocre de latérite d'où surgissaient comme des moignons pitoyables se dressant vers le ciel, les futs noircis de quelques uns de ces grands arbres qui occupaient, il n'y a pas si longtemps encore, ce territoire.

Ils n'étaient pas les seuls. Plus loin, on aurait pu penser que nous arrivions dans une zone où des combats récents avaient ravagé des villages, brûlés et encore fumants. En fait, ces hameaux avaient été construits là par des paysans sans terre, illégalement bien sûr, et leurs habitants avaient dû les évacuer avant que la police ou l'armée n'y mettent le feu.

La route qui traverse cette région en direction de la Thaïlande prendra sûrement beaucoup d'importance dans les années à venir et du coup, les terrains qui la bordent prennent déjà de la valeur. Que deviendront-ils ? Probablement des plantations d'hévéas ou/et des terrains à bâtir qui constitueront autant de nouveaux villages, voire de petites villes qui prospérerons peut-être dans le cadre de la sacro-sainte mondialisation ... 

Après 4h00 de route nous arrivons à Anlong Veng, ville tristement célèbre puisqu'elle servit de dernier retranchement à Pol Pot, Nuon Chea, Khieu Siamphan, Ta Mok et leurs fidèles Khmers rouges. Il avaient choisi cette bourgade sans importance pour sa proximité avec la Thaïlande où ils auraient pu se réfugier. Il n'en fut pas ainsi et elle tomba aux mains des forces gouvernementales en avril 1998 alors que Pol Pot mourrait mystérieusement à proximité.

La tombe de Ta Mok et les ruines de la maison de Pol Pot sont un triste lieu de pèlerinage, mais pas pour tous puisque certains viennent y déposer régulièrement des fleurs ...

                                          Route de retour du Preah Vihear. (3)

Nous faisons y une pause ... la petite moto de Lucky la mérite autant que nous, elle n'est pas puissante et dès que la pente est un peu sérieuse, elle peine et a bien du mal à nous faire avancer ... il reste encore 120 km et la route à venir s'annonce difficile : c'est un grand chantier ... de plus la position de passager sur ce genre d'engin devient de moins en moins confortable, mais, soyons zen ... 

Effectivement, après un large rond point ( !!! ), la route devient une piste de latérite poussiéreuse ... mais, bon, ça passe encore car elle est bien damée ... il ne faut pas attendre longtemps pour que les choses se compliquent et deviennent presque sportives. Le chantier divise la piste en deux niveaux dans le sens de la longueur, un cordeau tiré tout du long devrait réguler la circulation qui en théorie est alternée, mais pas de feu, personne pour arrêter ou ralentir la circulation heureusement peu importante sinon les norias de camions transportant de la terre, des gravats ou d'autres matériaux.

Lucky fait des prouesses pour contourner ou dépasser les niveleuses et les rouleaux compresseurs, pour contrôler les dérapages dans cette poussière ocre aussi fine que de la farine tamisée ou pour éviter une sortie de piste. J'ai enroulé mon krama (écharpe) autour de ma tête sous le casque en guise de masque. Mais cette poussière s'infiltre partout et parfois nous naviguons à vue dans ce nuage orangé aussi dense qu'un épais brouillard ... 

Preah Vihear (18)

Cela semble n'en plus finir et effectivement c'est long, enfin se découpent dans le lointain les lignes des Monts Dangkrek majestueux semblant être sorti de terre il n'y a pas longtemps. Nous approchions. 

Nous quittons la piste poussiéreuse pour le dernier tronçon damé qui nous amène à Kor Miey une manière de village qui est plus un grand bazar au milieu de nulle part constitué de quelques maisons d'habitation, de quelques auberges sommaires et de dépôts de marchandises qui sont destinées à approvisionner les troupes et leurs familles, installées le long de la frontière ... 

Nous prenons une chambre chacun :  « basique », un miteux matelas, des draps pas vraiment reluisants, des murs de fines planches ajourées mais, super, une moustiquaire, bon, trouée quand même ... salle de bain /WC dans des cahutes à l'arrière, de grands seaux d'eau et une petite cuvette pour la douche ... électricité le soir grâce à une génératrice diesel qui pétaradera toute la nuit ( et les panneaux solaires, on oublie ??? ) ... nous voilà installés !

 

Mauvaise surprise, les quelques 20 km qu'il reste pour arriver au temple se feront sur une pente de 35% et la moto de Lucky n'est pas assez puissante pour nous y monter tous les deux ... il faut donc chercher une autre moto, ce qui ne pose aucun problème et avec une 125cc ronronnante nous gravissons sans difficulté cette pente impressionnante de route bétonnée. Mon nouveau pilote, bien sympathique, prend le temps d'attendre Lucky qui a bien de la peine tout seul et de le conseiller pour négocier au mieux cette ascension exceptionnelle.

                                                      Preah Vihear (10)

Arriver en haut nous nous dégourdissons un peu les jambes et très vite nous voilà entouré d'une nuée de gamins chargés de cartouches de cigarettes. Tout d'abord nous ne comprenons pas mais très vite Lucky obtient l'explication : il s'agit d'une espèce de rituel. Nous devons, et chacun le fait, même certains moines, acheter au moins une cartouche et distribuer les paquets de cigarettes aux soldats qu'on croise au fur et à mesure que nous approchons du temple. Nous sacrifions donc sans rechigner au rite ... 

Très vite nous n'avons plus un seul paquets, mais à cette cadence, je crois que chaque militaire doit avoir un stock considérable de cigarettes qu'il aura tout loisir de revendre ou de fumer ... 

Beaucoup de pèlerins et la ferveur religieuse se mêle à la ferveur patriotique, des gens qui viennent souvent de très loin pour rendre hommage à Bouddha ou à Shiva, mais aussi pour marquer leur soutien à cette armée, installée depuis des décennies pour défendre un des plus sacrés des temples du pays. 

Le parcours vers le haut des marches menant au site est une ligne de front, sacs à sables, filets de camouflage, redoutes où sont installées des armes automatiques de différents calibres, des mortiers et quelques petits canons. Les soldats sont partout et fraternisent souriant avec tout le monde. Beaucoup d'enfants partout, certains en tenues militaires, ce ne sont pas des enfants soldats ( ouf ! ) mais probablement des militaires en devenir ...

                                         Preah Vihear (21)

Cette armée est depuis si longtemps là qu'elle est installée, non pas en campement militaire mais en village où s'organisent les familles de ceux qui défendent la fierté nationale : petites maisons de chaumes ou de bric et de broc, jardins potagers, poules et cochons mais sur toile de fond de tension véritable. Les guetteurs s'observent mutuellement de part et d'autre de la ligne de front et en contre bas la frontière de barbelés et chevaux de frise.

 

Justement, là une grande table où sont installés des soldats qui semblent deviser en riant, en buvant du thé et en échangeant des cigarettes ... d'un côté de la table les Cambodgiens et de l'autre quelques Thaïlandais tentent peut-être de comprendre en en parlant ce qu'ils vivent depuis des années ou, plus probablement fatalistes, ne font qu'échanger des propos moins perturbants ... ça ne vous rappelle rien ? ...

                                         Preah Vihear (42)

Le Preah Vihear vaut bien évidemment le déplacement, je n'ai encore jamais visité de site aussi impressionnant, bien sûr l'architecture et la beauté de la pierre, mais surtout pour sa situation singulière. Du haut de cette falaise à 750 m d'altitude on surplombent de 550 m un presque à pic couvert de broussaille et de forêt qui tout en bas souligne le départ de ces grandes plaines vers le sud.

Il ne faut pas avoir le vertige et de jeunes moines ou des pèlerins s'approchent à quatre pattes en hésitant vers le bord rocheux couvert de lichens à la recherche d'un peu d'émotion forte ...

 

Un orchestre traditionnel de musiciens/soldats nous entraîne dans des rythmes allant crescendo où les percussions ont la part belle ...

Le soleil décline au couchant et nous devons amorcer la descente vers notre auberge peu attrayante...

 

Si Henri Mouhot avait eu connaissance de l'existence de cet endroit exceptionnel, il n'aurait pas, lui non plus, hésité un instant avant d'entreprendre le long périple qui l'y aurait mené et nous aurions sans doute hérité d'un récit passionnant dans le style flamboyant dont il était coutumier ...

 

                                           Preah Vihear (117)

 

PREAH VIHEAR, UN PEU D'HISTOIRE.

 

 

« Perché au sommet d'une falaise orientée vers le sud des Monts Dangkrek, le Prasat Preah Vihear ( altitude 750 m ), long de 800 m, occupe l'emplacement le plus spectaculaire de tous les temples angkoriens. De là, on domine la plaine cambodgienne qui s'étend à perte de vue à 550 m en contre bas et dans le lointain la montagne sacrée dePhnom Kulen

Important lieu de pèlerinage durant la période angkorienne, le Prasat Preah Vihearfut bâti par sept monarques successifs de Yasovarman 1er ( 889 – 910 ) à Suryavarman II ( 1112 – 1152 ) le constructeur d'Angkor Vat. 

A l'instar d'autres temples montagnes de cette époque, , il symbolise le Mont Meruet est dédié au dieu hindou Shiva. 

Depuis des générations, le Prasat Preah Vihear est une source de tension entre le Cambodge et la Thaïlande. Pendant plusieurs siècles cette région fut contrôlée par la Thaïlande ex Siam avant d'être restitué au Cambodge à l'époque du protectorat français en vertu du traité de 1907.

En 1959, l'armée thaïlandaise s'empara du temple et Sihanouk,alors Premier ministre, porta l'affaire devant la Cour Internationale. Il parvint ainsi à faire reconnaître par la communauté internationale la souveraineté du Cambodge en 1962.

Le Prasat Preah Vihearapparut de nouveau dans la presse internationale en 1979, lorsque les militaires thaïlandais repoussèrent plus de 40.000 réfugiés de l'autre côté de la frontière, le pire cas de rapatriement forcé de toute l'histoire des Nations Unies. 

La région était minée et de nombreux réfugiés moururent des suites de blessures, de faim ou de maladies avant que l'armée des occupants vietnamiens établisse un passage de sécurité et escorte les survivants au cours d'une longue marche vers le sud jusqu'à Kompong Thom.

Le Prasat Preah Vihear fit à nouveau les gros titres en mai 1998, lorsque les Khmers rouges s'y réunirent après la chute d'Anlong Veng et opposèrent une dernière résistance avant de capituler.

Une fois la paix rétablie, Cambodgiens et Thaïlandais parvinrent à un accord pour ouvrir le temple au tourisme. Les Thaïlandais construisirent une grande route dans la montagne et commencèrent les travaux le long de la frontière mal définie. Aujourd'hui, un grand centre des visiteurs et un parking se tiennent sur ce qui était, il n'y pas si longtemps, un territoire cambodgien. 

Un nouvel épisode de tension a commencé en juillet 2008 quand le Prasat preah Vihear a été classé Patrimoine Mondial au profit du Cambodge. Un Ministre des Affaires étrangères thaïlandais a perdu son poste et les esprits s'échauffèrent de chaque côté de la frontière.

Reste à espérer que la raison reviendra et que le Cambodge pourra bénéficier de ce trésor légué par l'Empire khmer en toute sérénité.

Côté thaï l'entrée est de 10$ [ côté cambodgien c'est gratuit ], 5 reviennent aux Thaïs pour la visite du Parc National et 5 sont versés aux Khmers pour l'accès au temple.

La plupart des routes sont impraticables à la saison des pluies ». ( guide Lonely Planet Cambodge 2008)

 

Preah Vihear (84)

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15 juin 2010 2 15 /06 /juin /2010 06:14

Depuis ma guesthouse'. Siem Reap.

En 1860, lorsque Henri Mouhot arriva au Cambodge, celui-ci était sous la domination siamoise depuis plus d'un siècle.

« I y a près d'un siècle que la province de Battambang est soumise au Siam; depuis ce temps plusieurs fois, elle a cherché à se soulever, et même à se donner aux Annamites qui s'étaient emparés, il y a une vingtaine d'années de tout le Cambodge; mais ceux-ci furent repoussés par les Siamois jusqu'au-delà de Pemon Penh. Depuis ce temps le Cambodge n'a pas éprouvé d'autre attaque des Cochinchinois, mais il est resté tributaire de Siam » p.171 où une note nous explique que : « Le 5 juillet 1867, un traité sera signé entre la France et le Siam, qui confirmera le protectorat français sur le Cambodge, tout en maintenant l'appartenance au Siam des provinces de Battambang et de Siem Reap qu'il avait déjà annexé ».

Après son périple de Kampot à Brelum via Udong, il se dirigea d'abord vers Battambang en traversant le Tonlé Sap dans sa plus grande longueur. Il lui fallu trois journées de navigation avant d'arriver à « Ongkor la nouvelle, bourgade insignifiante, chef lieu de la province actuelle et située à quinze milles au nord-ouest des bords du lac » p. 181

On peut supposer que cette bourgade insignifiante n'était autre que la future Siem Reap.

Pour des raisons d'organisation pratique et de temps, puisque j'étais à Kratie, j'ai d'abord rallié Siem Reap ( le 26 mai ) et Angkor avant de naviguer vers Battambang ( le  3 juin ) en traversant le Tonlé Sap et en remontant la rivière Stung Sangker qui traverse Battambang.

Siem Reap la nuit.

J'avais gardé le souvenir d'une petite ville gardant encore un charme désuet émanant de ces beau bâtiments de l'époque coloniale. Aujourd'hui, la ville de Siem Reap est un centre touristique en pleine expansion et une ville moderne dont la population ne cesse d'augmenter et je n'ai pas trouvé de chiffre définitif. Selon les différentes sources on va de 130 à 800.000 habitants ?!! Étape incontournable pour les visiteurs d'Angkor, elle ne fait que s'agrandir et compte désormais beaucoup plus d'hôtels, de restaurants et de bars que de temples.

J'ai profité de mon passage à Siem Reap pour aller assister au concert que donne tous les samedi soir, sans relâche, le docteur Beat Richner un Zürichois, et ainsi soutenir son action. Ancien humanitaire il a laissé son confort suisse depuis plusieurs décennie pour consacrer son temps et son argent à aider les Cambodgiens. Il a commencé par construire un hôpital à Phnom Penh, Kantha Bopha. Il en est aujourd'hui à son cinquième Kantha Bopha. Les soins sont dispensés gratuitement et s'adressent tout particulièrement aux enfants de familles défavorisées. Les donations, souvent généreuses et ce que lui rapportent les concerts, lui permet de continuer cet aventure humaine hors du commun. Il joue Bach au violoncelle et raconte son histoire. Il a intitulé cette partie de lui : Beatocello.

Concert du Dr Beat Richner Beatocello. Siem Reap.

Le site d'Angkor s'étend sur plusieurs centaines de km2 et il faut beaucoup de temps pour en faire le tour si tant est qu'on puisse le faire vraiment. L'entrée du parc comporte un péage où l'on peut choisir d'acheter une carte pour un, trois ou sept jours ( 20, 40 et 60 $US ). Pour se déplacer il y a bien sûr plusieurs options possibles : louer un vélo ou une moto, louer les services d'un taxi-moto ( moto dop ), un tuk tuk, un taxi ou des visites organisées.

Pour ma part j'ai choisi le tuk tuk plus confortable que la moto, les conducteurs parlent assez bien l'anglais et connaissent les lieux comme leur poche. Pour des destinations plus lointaine comme Banteay Srei, Roluos ou Beng Mealea, le tuk tuk est dételé de la moto qui nous transportera plus rapidement, mais on en a quand même à chaque fois pour une journée. Je parlerai plus tard du Preah Vihear tout au nord sur la frontière thaïlandaise et de la véritable expédition que représente les 250 km qu'il faut parcourir pour l' atteindre.

Je ne me lancerai pas dans cette lettre dans une longue et fastidieuse description des différents temples que j'ai arpenté pendant de longues mais merveilleuses journées. Je préfère suggérer de lire l'incontournable ouvrage de Maurice Glaize consacré à Angkor et qui est une référence depuis sa première édition dans les années 1920 si j'ai bonne mémoire.

Avant mon départ, j'avais établis une correspondance par courriel avec Pascal Royère qui depuis 17 ans dirige l'équipe chargée de reconstituer le Baphuon. Il me m'accueillit sur le chantier et m'accorda un entretien, que j'ai enregistré et que je restituerai quand je l'aurai retranscrit. Il me fit même l'honneur d'une visite du chantier.

Bravant la chaleur et les fortes pluies d'orage de pré-mousson, me déchaussant parfois car les lieux étaient inondés, cherchant l'ombre à peine rafraîchissante d'un arbre ou des vieilles pierres mais me protégeant des rayons brûlants du soleil, je ne me lassais pas de contempler les vestiges de cette civilisation khmère alors à son apogée. Et, ce faisant j'avais vraiment l'impression d'être en phase avec notre aventurier naturaliste. (voir l'album Angkor et les documents).

Architecture coloniale renovee. Siem Reap.

« Nous mîmes une journée entière à parcourir ces lieux, et nous marchions de merveille en merveille, dans un état d'extase toujours grandissante.

Ah ! Que n'ai-je été doué de la plume d'un Chateaubriand ou d'un Lamartine, ou du pinceau d'un Claude Lorrain, pour faire connaître aux amis des arts combien sont belles et grandioses ces ruines peut-être incomparable, seuls vestiges, malheureusement, d'un peuple qui n'est plus et dont le nom même, comme celui des grands hommes; artistes et souverains qui l'ont illustré, restera probablement toujours enfoui sous la poussière et les décombres ! » p.182 & 183

Il faudrait des mois pour prendre la mesure de l'ancienne cité de pierre. Certains temple tels le Ta Prohm ou Beng Maelea sont encore préservés dans un état, certes entretenu, proche de celui qui était le leur lors du passage des premiers explorateurs. Mouhot est considéré comme le « découvreur  d'Angkor » mais bien d'autres avant lui avaient pu visiter la ville alors même qu'elle était encore en activité ( voir documents : prédécesseurs et successeurs).

Après son abandon en tant que ville, Angkor Thom et ses temples, dont le plus prestigieux est Angkor Vat, n'ont jamais cessé d'être fréquentés par les pèlerins hindouistes ou bouddhistes. Aujourd'hui encore, la plupart des temples sont toujours sacralisés et tous, ou presque, abritent en leur sein des statues de Bouddha quotidiennement fleuries. Les effluves d'encens accompagnent toutes les visites et les dévots sont nombreux à se prosterner devant les représentations religieuses.

Pour faire le pendant aux Apsaras des temples d'Angkor j'ai voulu assister à une représentation de danse classique. Pour cela, un seul moyen, s'offrir un repas ( gargantuesque ) dans un des grands restaurants de la ville qui proposent des spectacles de danse. Je n'ai pas été déçu, ni d'un côté ni de l'autre. Buffet à volonté et magnifique représentation.

Siem Reap est donc pour ainsi dire devenue le centre névralgique du tourisme au Cambodge.

Gracieuse Apsara. Siem Reap.    

Le bateau pour Battambang devait partir à 7h30. Un mini bus est venu me prendre à la guesthouse et évidemment fit le tour de la ville pour prendre les autres voyageurs

Nous étions une bonne quarantaine de passagers à bord de ce petit bateau dont une bonne douzaine d'étrangers, essentiellement de jeunes américains qui, sûrement bien fatigués d'une nuit passée de bar en bar, n'étaient pas ou peu attentifs à ce que nous traversions. Assis face à face avec juste l'espace suffisant pour nos jambes, j'avais tout le loisir de les observer. Dormant, lisant ou échangeant des impressions, ils paraissaient insensibles au magnifique environnement nous entourant

Après la traversée du nord du lac aux allures de mer intérieure, sous un ciel changeant chargé d'e mousson, nous avons commencé à remonter la rivière Stung Sangker vers Battambang.

Remontee de la riviere Stung Sangker vers Battambang.

Villages flottants ou sur pilotis, forêt venant plonger ses racines dans les eaux chargées de limon de la rivière et la possibilité d'observer de très nombreux oiseaux aquatiques, pêcheurs ou bateaux transportant diverses marchandises, tout sollicitent sans cesse la curiosité ...

Les nuages, de plus en plus lourds finirent par se zébrer d'éclairs et l'orage éclata. Pluie battante, lourde et pénétrante. Malgré les bâches déroulées à la hâte de chaque côté de l'embarcation, l'eau s'infiltrait de toute part et bientôt nous avions les pieds dans l'eau et les dos trempés ...

« Il me fallut trois grandes journées de navigation pour traverser dans son plus grand diamètre; la petite Méditerranée du Cambodge, vaste réservoir d'eau douce, et on pourrait dire de vie animale, tant les poissons abondent en son sein, tant les palmipèdes de toutes tailles et de toutes couleurs pullulent à sa surface » p. 169

L'arrivée à Battambang se fit vers 15h00 et nous avons été accueilli par une « meute » de rabatteurs pour les hôtels et les guesthouses.

      Fin d apres midi aerobic. Battambang.

Battambang est une ville de 140.000 habitants qui elle aussi a conservé une belle architecture coloniale.

Comme toutes les autres ville du Cambodge elle profite assez bien de la manne touristique et une partie de ses habitants jouissent d'une relative prospérité. La circulation est très dense et c'est un flot incessant de motos et de voitures dans un vacarme incessant. Beaucoup de 4 x 4, trop à mon goût, reflètent le soucis d'afficher d'une façon ostentatoire qu'on a réussi. Mais comme ailleurs, cette prospérité est à deux vitesses et les laisser pour compte forme une population miséreuse mendiant de restaurant en restaurant et vivant dans la périphérie lointaine, le long de l'ancienne voie ferrée par exemple, dans des cahutes faites de bric et de broc.

Il y a huit ans, le chemin de fer fonctionnait encore entre Battambang et Phnom Penh; maintenant la gare est fermée et abandonnée (celle de Phnom Penh aussi mais elle, comme monument, est au moins entretenue ), les wagons se désagrègent sous l'effet de l'oxydation et les rails tordus se perdent dans une végétation abondante ...

Mouhot n'avait fait qu'une brève étape à Battambang et pu, en compagnie de l'abbé Sylvestre, visiter quelques ruines, le Phnom Baset, le Phnom Banon et le Vat Ek Phnom datant du XIème siècle. La route menant au premier était impraticable à cause de la pluie mais j'ai pu me rendre aux deux autres.

Phnom Banon'''. Battambang.

Le Phom Banon à 28 km au sud, est le mieux préservé et le plus majestueux. Il faut gravir une volée de 358 marches de pierre pour mériter de le découvrir. Il est construit selon le même plan qu'Angkor Vat et les habitants affirment qu'il a inspiré les constructeurs de ce dernier.

En chemin je me suis arrêté dans un vignoble que j'avais repéré à l'aller. J'ai même pu déguster la production de la propriété.

Tout a commencé dans les livres il y a 11 ans et avec l'achat de quelques plants de Cabernet Sauvignon. Maintenant on y produit 10.000 bouteilles par an, fruits de 3 vendanges ( juillet, novembre et février), le climat le permet. La vigne reste presque toujours verte et le raisin n'atteint donc bon une maturité suffisante pour en tirer un vin de qualité. Celui-ci est un peu sucré et passe en tant qu'apéritif, mais ne satisfait pas nos palais formé aux vins tanniques et plus corsés. Il n'empêche que cette exploitation fonctionne et emploie sur 4 ha, une dizaine d'ouvriers tout au long de l'année. Comme elle est unique au Cambodge elle attire nombre de personnalités de tout bord et même le roi s'est déplacé ...

      Vignoble de Choer Teal. Battambang.

J'en profite pour faire une petite parenthèse concernant les conducteurs de tuk tuk et autres moto dop. Le tourisme se développant, c'est une catégorie professionnelle qui, au Cambodge ne fait que croître. En pleine saison, cela ne leur pose pas vraiment de problème car il y a abondance de clients et souvent pas trop regardante au prix !... Qu'est-ce que deux ou trois dollars pour un Occidental seulement de passage ?... Mais pour un Cambodgien, c'est assurer la subsistance de toute sa famille et quand tout va bien, il gagnera 40 ou 50$ par mois.

Mais, voilà,c'est le début de la saison creuse, la concurrence est féroce et les clients se font rares, d'autant qu'avec les troubles qui agitent la capitale thaïlandaise, l'afflux de touriste a considérablement diminué.

Alors un grand merci à Rong, Sithal, Lucky, Ket et les autres avec lesquels j'ai passé des moments précieux et sans lesquels, souvent, nous aurions bien du mal à circuler.

Lucky Pre Rup

Le Vat Ek Phnom ( 11 km au nord ) : XI ème siècle, entouré d'un vestige de mur en latérite et d'un ancien baray ( réservoir ) il mesure 52 m sur 49 m; un linteau représentant le barattage de la mer de lait surmonte l'entrée est du temple central. La construction d'une série de statue en béton dont un Bouddha immense a été stoppée par le gouvernement pour ne pas gâcher la beauté intemporelle du lieu ... mais un Vat de facture récente bloque la vue sur le temple dès l'arrivée.

En cours de route Ket, mon conducteur m'arrête devant l'ancienne fabrique de Pepsi et plus loin nous passons devant une école qui a pu être financée grâce à une grosse donation de Juliette Binoche ...( A l'opposé Alain Delon lui, depuis longtemps, a vendu son nom à un fabriquant de cigarettes qui portent son nom et dont on voit la publicité un peu partout ... pas la même éthique ! ...)

Après la visite du Vat Ek Phnom j'ai pu assister à la fabrication artisanale de galettes de pâte de riz qui servent à rouler les ingrédients des rouleaux de printemps. Une grande fabrique de pâte de poissons méritait le détour des dizaines de jeunes femmes occupées sous une immense halle débitent du poisson en petits morceaux qui iront fermenter dans des grandes jarres en terre ou des tonneaux en bois. Odeurs de poisson fermentant pas facile à supporter ... elles y passe leur journée pour un salaire de misère ( 1000 riels – 0, 20€ - par centaine de kilo débité 12 heures par jour et 10.000 riels à la fin de la journée ...

Etetage des poissons. Fabrique de pate de poisson. Battamba

Pour finir, presque à la tombée de la nuit, un moment de recueillement devant le mémorial à la mémoire des victimes du régime Khmer rouge de Pol Pot.

Départ pour Bangkok le dimanche 6 juin par Poïpet poste frontière mais aussi centre d'affaire et de trafic en tout genre. Les marchandises en provenance de Thaïlande y transitent avant d'approvisionner les magasins et les étals de Siem Reap et de Battambang. Trafic humain aussi, mais de ça on ne parle pas beaucoup car il alimente en jeunesse perdue les quartiers chauds de Bangkok ou Pattaya. De grands hôtels de luxe et des casinos ( le jeu est interdit au Cambodge, mais ici c'est possible ) ponctuent le paysage de ce lieu désormais urbanisé et devenu un centre économique important.

Dès les premiers kilomètres parcourus en Thaïlande, j'ai vraiment l'impression de revenir d'un pays très lointain, si lointain qu'on pourrait penser qu'il est perdu au milieu de nulle part ... et pourtant, j'y ai rencontré des gens remarquables, quelques fripouilles aussi, et même, je l'espère, suscité un peu d'espoir.

Les Cambodgiens ont du mal à se sortir des conséquences de guerres meurtrières : corruption à tous les niveaux et pour la grande majorité économie de survie.

Pays magnifique aux richesses naturelles importantes et à l'héritage culturel extraordinaire, le Cambodge mériterait de se sortir de ce marasme. Mais pour cela il faudrait que la communauté internationale s'y intéresse autrement et qu'enfin les ONG n'aient plus à y intervenir.

      Frontiere Cambodge Thailande'. Poipet.

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9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 07:59

                                           Campagne en allant vers Udong.                                                         

En reprenant le fil du récit d'Henri Mouhot, on est très vite saisi par le manque de datation. N'aurait-il pas régulièrement daté ses notes ?... Cela parait curieux pour un voyageur aussi précis habituellement ... En revanche, il est avéré que l'ordre chronologique de son périple n'est pas scrupuleusement respecté. Son frère Charles et Ferdinand de Lanoye eurent sûrement quelques soucis lors de la préparation de la première édition. Pour le coup nous pouvons quand même en déduire qu'il y a bel et bien des manques ( des oublis ?) côté calendrier que seule une très grande connaissance des lieux parcourus aurait pu compenser.

Venant de Kampot, notre voyageur se dirigea en toute logique vers Udong qui était à l'époque la capitale du Royaume (de 1618 à 1866 ) et c'est là qu'il fut reçu par le second roi.

« Udong, la capitale actuelle du Cambodge, est située au nord-est de Kampot, à deux lieues et demie de l'affluent du Mékong, qui vient du grand lac, et à cent trente cinq milles à peu près de la mer – distance prise à vol d'oiseau.

Après avoir traversé une plaine marécageuse où nous abattîmes quelques oiseaux aquatiques communs, nous entrâmes dans une belle forêt, qui, sans la moindre éclaircie, se prolonge jusqu'aux portes d'Udong ». p.119 & 120.

Pour ma part, j'ai dû passer par Phnom Penh pour rallier Udong le lendemain (21 mai) de mon arrivée en la capitale cambodgienne.

Or donc Udong ( la Victorieuse ). « Ce nom optimiste ne reflétait guère la réalité, le Cambodge étant alors en plein déclin. Plusieurs souverains dont le roi Norodom y furent couronnés ». ( Lonely Planet Cambodge).

« En arrivant aux portes d'Udong, je me trouvai en face d'un large fossé, surmonté d'un parapet et entouré d'une palissade de trois mètres d'élévation. [ ... ] Le jour suivant, je parcourus la ville, dont les maisons sont construites en bambous et quelques-unes en planches; le marché tenu par des Chinois est, par sa saleté, l'égal de tous les autres dont j'ai déjà parlé. » p. 124

                                            En tuk tuk pour Udong. Phnom Penh.

Belle et fructueuse balade en tuk tuk le long de cette RN5 qui conduit à l'ancienne capitale. On met un certain temps à sortir de l'agglomération en traversant des banlieues installées le long de la route nationale. Je note une forte présence musulmane que signalent de superbes mosquées et le nombre important de femme portant le foulard.

A 41 km de Phnom Penh, le site d'Udong, il n'y a plus de ville, tout au plus, peut-être quelques pierres çà et là, vaut aujourd'hui pour les deux collines de Phnom Udong jalonnées de plusieurs stupas contenant les dépouilles de trois des rois qui se sont succédés jusqu'en 1866 et aussi par la belle vue qu'on y a vers les plaines environnantes : rizières parsemées de palmiers à sucre et de quelques hameaux.

De forêt je n'ai point vu, sauf sur les pentes des collines et au loin quelques bosquets. La plaine marécageuse s'est transformée en plaine à riz ponctuée de plantations de lotus ( pour les fleurs d'offrandes et leurs graines comestibles).

                                             Les quatre Stupas royaux. Phnom Udong.

Mouhot était passé par Phnom Penh qu'il nommait alors Penom Penh et qu'il désignait comme « le grand bazar du Cambodge [...] Situé au confluent de deux grands cours d'eau [ le Tonlé Sap et le Mékong ] Penom Penh renferme une dizaine de milliers d'habitants, presque tous chinois, sans compter une population flottante au moins du double » p. 140 & 141.

En 1772 les Siamois la dévastèrent complétement. Elle fut reconstruite mais c'est à partir de l'arrivée des Français en 1863, Mouhot l'avait pressenti, qu'elle reprit un essor tristement stoppé net avec l'arrivée des Khmers rouges et de Pol Pot au pouvoir. Quand les Français partirent en 1953, ils laissèrent quelques édifices prestigieux comme le Palais royal, le marché central ( Psar Thmei ) de beaux bâtiments administratifs et quelques maison somptueuses qui existent toujours.

Jadis « perle d'Asie », Phnom Penh et sa population ont beaucoup souffert de la guerre et de la révolution. Les Khmers rouges, au nom d'une idéologie sociale délirante, la vidèrent totalement et ses habitants durent, pendant de très longues années de souffrance, s'exténuer aux travaux des champs. Quand le roi Norodom Sihanouk fut renversé en 1970 par Lon Nol, elle comptait environ 500.000 âmes. Avec l'extension de la guerre du Vietnam, l'afflux de réfugiés quadrupla sa population.

                                                         Espace de securite. Tuol Sleng. S21. Phnom Penh.                                                                            

C'est donc 2 millions de personnes que Les Khmers rouges, forcèrent, en avril 1975, à quitter la ville vers les campagnes, ces prisons sans murs, d'où la grande majorité ne revint pas.

Pendant la période du Kampuchéa démocratique avec Pol Pot comme chef, c'est à dire d'avril 1975 à janvier 1979, des dizaines de milliers de Phnom Penhois furent massacrés et la ville ne compta jamais plus de 50.000 habitants. Elle se repeupla après sa « libération » par les Vietnamiens en 1979.

Cette page de l'histoire est une des plus atroces qu'ait traversé l'humanité à ce jour ... entre 2 et 3 millions de personnes périrent d'une manière ou d'une autre : exécutions sommaires ( y compris bébés et enfants), faim, fatigue et maladies ... mais les années 1980 furent aussi dures que la décennie précédente, un long combat pour la survie ...

Aujourd'hui, Phnom Penh ne renierait pas cette appellation de « grand bazar du Cambodge ». Deux millions de personnes s'y activent tous les jours bruyamment et la communauté chinoise y est toujours très importante et aussi commerçante.

                                             Centre ville Phnom Penh.

La ville flottante n'existe plus, elle est devenue un quartier sur pilotis qui surplombent le lac insalubre de Boeng Kakqui lui donne son nom. Les maisons sont reliées entre elles par des rues/pontons de planches disjointes au dessus de cette véritable décharge malodorante qu'est le lac dans laquelle s'écoulent toutes les eaux usées et où l'on jette sans discernement les ordures ménagères.

A l'instar de la plupart des autres grandes agglomérations asiatiques, Phnom Penh nous réserve le pire comme le meilleur, le sublime y côtoie l'abominable et la richesse ostentatoire insulte la plus grande pauvreté.

La circulation automobile y est un problème éminent. Les voitures, camions et motos sont arrêtées n'importe comment plutôt que garées. Dès que le flot de véhicules est momentanément arrêté, c'est un monstrueux embouteillage et si l'on est pris dans cette nasse pétaradante et polluante, il faut savoir prendre son mal en patience. Situation récurrente ...

Les règles élémentaires sont sans cesse bafouées et une vigilance de tous les moments est requise pour éviter un accident, heureusement fort peu nombreux en ville. La vitesse n'est jamais très élevée et c'est le plus hardi qui passera le premier.

Au début traverser une rue à pied, pire, traverser une avenue peut paraître une folle idée, mais très vite on s'aperçoit que rien n'est plus simple et sans danger : toujours regarder les véhicules en face, quelles qu'ils soient; s'avancer sans hésitation d'un pas assuré qui détermine la direction que l'on prend afin qu'elle soit bien comprise; ne pas se soucier, si, quand même un peu, de ce qui se passe derrière soi car l'autre vous aura vu. En appliquant ces quelques principes on peut s'aventurer sans vraiment trop de problème dans ce chaos enveloppé de vacarme et de gaz d'échappement ...

Un des lieux incontournables de la ville est l'ancien lycée de Tuol Seng, que les forces de sécurité de Pol Pot investirent en 1975 et transformèrent en prison de haute sécurité 21, ou S 21. Elle devint rapidement le plus grand centre de détention et de torture du pays. Plus de 17.000 détenus furent massacrés au camp d'extermination deChoeung Ek à 15 km de Phnom Penh. Le lieu est connu sous le nom de « killing field » et s'y dresse depuis 1988 unstupa du souvenir. Plus de 8000 crânes, classés selon le sexe et l'âge sont disposés en pyramide derrière des vitres ...

                                           Victimes executees. Tuol Sleng. S21. Phnom Penh.

S 21 est devenu un musée et sa visite ne peut pas laisser indifférent. Les Khmers rouges, tenaient des registres méticuleux ( pourquoi faut-il que les actes les plus abominables soient l'objet d'une démarche aussi procédurière ?... ).

Documents et photographies, pour beaucoup anthropométriques, sont exposées dans les différentes salles de classes ayant été transformées en cellules et lieux de tortures par les équipes de Douch, qui est jugé en ce moment et il est probablement le seul qui rendra des comptes.

Le procès dure depuis 2006.

Pol Pot est mort avant d'être jugé. Tamok est mort en prison en 2006 et les deux autres principaux inculpés Ieng Sary et Nuon Chea se plaignent d'une santé défaillante et se font hospitalisés au moindre prétexte.

Notons pour en finir avec cette triste page que le budget de ce procès a atteint 150 millions de dollars US ( chiffre de 2008 ) et qu'il ne cesse d 'augmenter sur toile de fond de corruption qui ne fait plus aucun doute ...

Pour suivre l'itinéraire de Mouhot il aurait fallu qu'après Phnom Penh je me dirige vers le nord-est afin d'arriver àBrelum. Je n'ai pas pu précisement situer cet endroit, mais, au Cambodge en 1859, il serait aujourd'hui au Vietnam. Pour ce faire, j'aurai dû faire un trop grand détour par le sud car il n'y a pas de poste frontière ouvert aux Occidentaux à ce niveau là. Aussi ai-je quand même pris cette direction mais en m'arrêtant à Kratie où notre voyageur est peut-être simplement passé et puis, à l'époque ce n'était sûrement qu'un petit village de pêcheur sans importance.

                                            Architecture francaise. Kratie

Kratie est une petite ville poussiéreuse de près de 80.000 habitants installée au bord du Mékong. Elle affiche un riche héritage architectural français. Successivement occupée par les Khmers rouges et les Vietnamiens, elle a échappé, contrairement à beaucoup d'autres, aux bombardements et à la destruction.

Tranquille, elle se révèle comme une bonne base pour explorer la région. 15 km au nord, à Kampi, le Mékong part en rapides et c'est l'habitat des derniers dauphins d'Irrawady qu'on peut aussi voir, si on a de la chance, en aval des chutes de Khône au Laos.

« Le dauphin d'eau douce de l'Irrawady est une espèce menacée dans toute l'Asie. Ce cétacé bleu-gris sombre peut atteindre 2,75 m de longueur. On le reconnait à sa tête protubérante et à la finesse de sa nageoire dorsale. Bien qu'il soit rare de les apercevoir en mer, ces dauphins peuvent vivre en eau douce ou salée. Ils peuplent, en nombre décroissant, quelques tronçons du Mékong au Cambodge et au Laos, et certaines eaux du Bangladesh et de Birmanie [ pour ma part, j'ai pu observer une espèce dans le Gange à Varanasi ].

                                           Dauphins d'Irrawady'''. Kampi. Kratie

Selon les habitants de la région, avant la guerre civile, environ 1000 dauphins vivaient au Cambodge. Sous le régime de Pol Pot, ils ont été chassés pour leur huile et leur nombre a considérablement chuté.

Experts et habitants s'accordent sur les chiffres : il ne reste sans doute pas plus de 75 dauphins de l'Irrawady dans le Mékong, entre Kratie et la frontière laotienne près de Don Khone. ». ( Lonely Planet Cambodge )

Expédition d'une journée en tuk tuk vers Kampi, en passant par Phnom Sambok : sur une petite colline se dresse un temple en activité. J'ai pu avoir une courte discussion en français avec une nonne de 75 ans qui avait étudié dans une école française. En cours de route j'ai visité une école et tous, élèves et personnels enseignants se sont montrés très chaleureux à mon égard.

                                            Nonnes. Temple de Phnom Sombok. Kratie

Kampi, le ciel se chargeait d'orage et pendant l'observation des dauphins j'ai essuyé une courte tempête. Les dauphins sont curieux, mais leur intelligence leur dicte de ne pas s'approcher trop près de l'embarcation. On entend leur souffle avant de les voir et aussitôt ils replongent, mais on ne peut jamais prévoir où ils ressortiront ... il aurait fallu des heures d'observation pour ramener des photos vraiment dignes d'intérêt !!! et en plus je ne suis pas photographe animalier ! ...

Nous avons continué notre route jusqu'à Sambor, 35 km plus loin, où l'on peut voir le Vat à 108 colonnes, le plus vaste du Cambodge. Les habitants l'ont surnommé vat Moi Roi Vat Sorsor Moi Roi «  le temple aux cent colonnes » ). Ce temple a été reconstruit à l'emplacement d'un temple en bois du XIX ème siècle et vaut par le fait qu'il en est la réplique. En revanche,quelques kilomètre plus loin, en pleine campagne un temple mineur, le Vehar Kok, a conservé ses colonnes de bois et, pour le coup, est bien plus intéressant.

                                            Il pleut. Kampi. Kratie

La pluie, que tout le monde attend avec impatience, tarde à venir en abondance. Quelques averses d'orage, certes parfois violentes, ne suffise pas à l'irrigation des rizières ... les températures montent et l'on ressent souvent comme de l'électricité dans l'air; les gens sont un peu plus nerveux et commencent à s'impatienter ... pas d'eau, pas de vie ... 

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31 mai 2010 1 31 /05 /mai /2010 19:09

Borne a la francaise Kampot.

 

Les temps ont bien changé depuis l'époque où Henri Mouhot naviguait sur sa « coquille de noix » sur des flots impétueux. Aujourd'hui, il n'y a même plus du tout de ligne maritime en direction du Cambodge.
Il y a 8 ans encore j'avais pu, depuis Sihanoukville prendre un ferry qui me permit de rallier la Thaïlande.

J'espérais quand même emprunter l'ancienne ligne de chemin de fer vers vers Kampot; là encore, le service est suspendu pendant les travaux de rénovation - autant dire une nouvelle voie ferrée – et il ne reprendra pas avant septembre.

 

Me voilà donc muni d'un billet acheté la veille à attendre un bus à la gare routière. A 8h30, l'heure de départ était de loin largement dépassée et la marge retard impliquait déjà des interrogations. L'employée nous expliqua, puisque nous étions quelques-uns à attendre, que le bus avait eu la veille, tard le soir, une panne importante, ceci expliquant cela. Mais un minibus devait le remplacer et arriver incessamment.

Effectivement, il arriva cahotant. Il fallait encore faire le plein, ce qui se fit à grand renfort de bidons d'essence grâce à un large entonnoir métallique ...

Enfin, nous embarquons en nous serrant et en entassant les bagages dans le coffre minuscule et dans l'habitacle.

Trajet relativement court ( 105 kms ) sur une route traversant les campagnes asséchées en attente des précipitations bénéfiques de la saison des pluies toute proche maintenant. Rien de vraiment notable dans une ambiance plutôt somnolente.

Lever du jour Kampot.

Mouhot ne nous parle pas vraiment de la ville, il insiste bien plutôt sur la relation qu'il eut avec le roi de passage à Kampot décrivant les usages de la cour.

 

Arrivée à Kampot ( 35.000 habitants), je ne comprenais pas pourquoi le chauffeur ne s'arrêtait pas. Nous tournions autour des pâtés de maisons, au demeurant très beaux vestiges décrépis d'une époque révolue. Il était occupé avec son téléphone portable et manifestement préoccupé. Je lui demandais pourquoi il ne nous laissait pas là et sa réponse déconcertante nous fit éclater de rire : il cherchait tout simplement à capter le réseau !!!...

Avec Malvina qui faisait partie du voyage, nous nous sommes avant tout installé à la terrasse d'un café, pour nous désaltérer.

 

Beau reste colonial Kampot.Comme d'habitude en arrivant dans une ville nouvelle, la première chose à faire est de trouver un hébergement. Chacun de son côté nous sommes partis à la recherche d'une guesthouse à sa convenance.

Monsieur Ke Long, un Cambodgien d'origine chinoise, a été le premier à ouvrir une guesthouse à Kampot. Il a été douanier de l'administration française et parle donc un français correct empreint d'un accent très prononcé mais agréable.

 

Sur le bureau de réception, trône un bocal en verre dans lequel flotte dans du vin blanc (sic) un gecko de taille moyenne. ( le gecko est une espèce de lézard de taille moyenne qui tire son nom du malais gekoq, qui est une onomatopée de son cri; il dispose de setae sous les pattes, sorte de coussinets adhérents qui lui permettent de circuler à grande vitesse sur les murs et les plafonds à la recherche d'insectes qui constituent son menu ). Il m'explique, après que je lui ai posé la question, que ce gecko là était de mauvaise augure et qu'il portait malheur à la maison car, il ne chantait jamais plus de cinq fois. Un bon gecko domestique se doit de chanter bien plus, au moins sept ou neuf fois pour que la chance ne quitte pas la maison ...

 

Premiers contacts avec la ville où l'orientation se fait grâce à des ronds points à la statuaire très « kitch »

De retour en début de soirée je fias la connaissance de Guillaume, un jeune français bien sympathique. Ex enseignant il a opté pour une vie de bohème et de voyage vivant de sa guitare et prenant le temps de découvrir le monde ...

 

Nous décidons de passer ensemble les deux ou trois jours à venir.

 

Le lendemain matin ( mardi 18 mai), nous embarquons dans un tuk tuk ( moto taxi ) en direction de Kep. En cours de route nous nous arrêtons plusieurs fois.

 

La grotte de Phnom Chhnork, est à une bonne volée de marches du vat ( temple ) Ang Sdok. Dès notre arrivée nous Autel meduse grotte de Phnom Chhnork.sommes encerclés par une nuée de gamins se proposant de nous accompagner, récitant même dès qu'ils apprirent que nous étions français un extraordinaire «  c'est parti mon kiki » que des touristes leur avaient appris.

Stalactites, stalagmites et dans la « salle » principal un remarquable temple hindouiste de brique du VIIème siècle dédié à Shiva dont le toit est partiellement pris dans un stalactite en forme de méduse.

Quelques kilomètres plus loin nous visitons une exploitation agricole. Fin de saison les cueillette sont déjà terminée et, dans les vergers, il ne reste que quelques mangues et durians isolés. Mais la spécialité de la région est le poivre : tout le monde s'entend pour dire qu'il est le meilleur du monde, va savoir ... mais à le goûter, je découvre après le piquant immédiat un arôme délicieux et long en bouche; le poivre blanc est nettement supérieur au noir ...

 

Enfin nous atteignons le littoral et ce qui reste de la petite ville de Kep. La station balnéaire de Kep-sur-Mer pour la saveur de ses fruits de mer, notamment les crabes, a été fondée en 1908 pour accueillir l'élite de la société coloniale française. Plus tard, la haute société cambodgienne a perpétué la tradition.

Les Khmers Rouges, « luttant contre la déviance capitaliste » l'ont presque entièrement détruite. Il ne reste pratiquement rien des villas somptueuses qui donnaient à Kep ses « lettres de noblesse ».

 

Le crabe au poivre vert était délicieux, en revanche une rapide baignade dans une eau à 28°C ne fut absolument pas rafraîchissante avec la désagréable sensation de continuer transpirer même dans l'eau.

Bord de mer Kep.

Sur le chemin du retour vers Kampot, nous nous sommes arrêté encore deux fois : un village de pêcheurs et des salines à l'activité ralentie par la fin de la saison sèche.

Cristaux de sel salines Kampot.

Demain, direction le plateau du Bokor où j'étais passé il y a 8 ans.

 

Entree du casino au Bokor.Cette ancienne station d'altitude française perchée à 1080 m d'altitude, (aujourd'hui parc national) permettait à l'élite de venir se rafraîchir pendant les périodes les plus chaudes. Construite entre 1917 et 1921 par des travailleurs forcés cambodgiens, dont beaucoup moururent elle comportait différents établissements luxueux : le Bokor Palace, un grand hôtel casino ( inauguré en 1925 ), d'autres hôtels de moindre catégorie, une poste, une église, quelques villas et un étrange château d'eau.

La station a été abandonnée deux fois, en 1940 avec l'invasion des forces vietnamiennes et de Khners Issarak ( Khmers libres ) lors de la lutte pour l'indépendance et en 1972 quand le régime de Lon Nol l'abandonna aux Khmers Rouges. Elle n'a plus jamais été habitée, sauf par la guérilla khmère rouge et par les Vietnamiens quand ils vinrent libérer le peuple khmer de la sauvagerie de la clique à Pol Pot. Sa position stratégique valut de très longs et violents combats en 1979.

 

Je l'avais découverte comme une ville fantôme où l'imagination pouvait aisément y faire de nouveau arriver au nouvel an, par exemple, des norias de véhicules luxueux d'où descendaient des élégantes en crinoline et chapeaux, accompagnés de beaux messieurs en habits et autour desquels gravitaient une foule de domestiques stylés, vêtus de blanc, attentifs au moindre de leur désir ... les bons bordeaux étaient servis chambrés, accompagnant des repas somptueux dans la fraîcheur relative d'une douce soirée tropicale.

On terminait tard dans la nuit en sabrant le champagne autour des tables de jeux ou près de la cheminée monumentale ou crépitait un feu réconfortant, en nouant ou dénouant des intrigues de « cour » ... c'était le « bon vieux temps des colonies »...

 

Lors de mon passage en 2002, l'ancienne route pavée existait encore. Elle serpentait sous les frondaisons obscures d'où s 'échappaient les cris de la forêt et les vols lourds, mais majestueux des calaos. On voyait rarement le ciel ...

Les jeunes de Kampot y montaient le week-end pour faire des fêtes entre copains et copines, échappatoires aux règles strictes de la société traditionnelle qui limitent les contacts entre garçons et filles.

 

Elle n'existe plus. Un vaste chantier l'a transformée en une large piste de latérite ocre le long de laquelle s'activent des La nouvelle route du Bokor.centaines d'ouvriers et où circulent des convois d'engins de chantiers et de camions chargés de matériaux divers. Bien évidemment cela a nécessité un déboisement massif au détriment des règles qui gèrent ce parc national. La compagnie Sokha Hotels a déjà posé les fondations d'un luxueux complexe hôtelier et l'avenir de ces vénérables bâtiments envahis par des lichens oranges est, me semble-t-il, définitivement menacé.

 

Je suis passé par les services d'une agence qui organise une véritable expédition pour arriver là haut. La route en chantier est interdite à la circulation , alors on doit faire la plus grande partie du trajet le long d'un itinéraire, certes balisé, mais le chemin est long et la pluie de la veille a rendu certains tronçons glissants et périlleux. Parfois il s'agit littéralement d'escalade. Dès les premières centaines de mètres, on a le souffle court, les poumons se chargent d'un air saturé d'humidité, un peu comme quand on entre dans un sauna ... quelques sangsues s'accrochent sur les jambes ou les épaules de certains provoquant des petites scènes de panique ... nous sommes guidés par des forestiers du parc et le guide de l'agence connait parfaitement le terrain. Dans les années 1970 il avait pu échapper aux Khmers Rouges et avait dû vivre dans la jungle pendant des années avec la crainte de se faire prendre jusqu'à l'arrivée des Vietnamiens.

Quatre heures d'une marche harassante mais quelle récompense une fois le « sommet »conquis ... La descente, par un itinéraire différent fut moins difficile.

Dans la jungle du Bokor.

Cette équipée sauvage se termina, magnifiée, par une descente apaisante de la rivière de Kampot jusqu'à la mer au couchant.

 

« La rivière qui conduit à la ville a près de cent cinquante mètres de largeur, mais son cours est très borné; elle prend naissance dans les montagnes voisines. Le principal avantage qu'elle offre, c'est de pouvoir amener à la mer les magnifiques bois de construction qui abondent dans les forêts de ses deux rives, et dont les Chinois ne peuvent se passer pour la mâture de leurs jonques.

Il ya continuellement de six à sept navires en charge dans la rade, de sorte que l'on voit souvent des bateaux chinois ou européens monter ou descendre le fleuve. [ ... ]

Ce qui reste de ce malheureux pays ne tardera sans doute pas à tomber sous la domination de quelque autre puissance; qui sait ? Peut-être la France a-t-elle les yeux fixés sur lui et se l'annexera comme elle fait en ce moment de la Cochinchine ». (pp. 110 et 111)

 

Mouhot était-il visionnaire ? En tout cas il ne pouvait, pendant tout son périple, imaginer un seul instant qu'il serait l'un des déclencheurs d'une nouvelle politique coloniale en Extrême Orient ...

Chantier naval baie de Kampot Kep.

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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 14:09

Pluie d orage Trat.J'ai pris un peu plus de temps ce matin et c'est à pied que je me rends jusqu'à la gare des bus. Comme souvent, les informations sont contradictoires. De guichet en guichet, je finis par trouver le bon et me munis d'un billet pour Trat, la dernière petite ville thaïlandaise avant le Cambodge et c'est de là que je pourrais embarquer à Laem Ngop pour l'île de Koh Chang.

Longue attente jusqu'à 13h30, ce qui me laisse le temps pour déjeuner.

 

Après un trajet sans histoire j'arrive à destination. J'ai quand même tourné un peu en rond avant de trouver la « Garden guesthouse » où j'avais prévu de m'installer. La chambre est spacieuse, propre et au calme en retrait de la rue. Jouxtant la maison, une salle d'entraînement où quelques boxeurs soulèvent des haltères et font des abdominaux.

 

J'ai juste le temps de m'installer avant qu'une belle averse tropicale se déclare accompagnée de son lot de roulements de tonnerre et d'éclairs. Bonne occasion pour se reposer un peu avant d'aller dîner.

 

Le lieu incontournable pour trouver de bons repas traditionnels est, comme je l'ai déjà souligné, le marché de nuit. Succession d'échoppes de toutes sortes, illuminées comme si c'était perpétuellement la fête. Tout ce qui peut se manger s'y trouve : fruits, pâtisseries et bien sûr restauration rapide.

 

Rassasié, j'ai marché dans la nuit quelque peu rafraîchie par l'averse de fin d'après-midi et, de ruelle en ruelle, en Marche de nuit Trat.rentrant « chez moi », j'ai repéré une autre guesthouse qui propose à ses clients la wifi gratuitement. Je décide donc de déménager le lendemain très tôt pour avoir largement le temps de profiter d'une journée à Koh Chang.

 

Chose dite, chose faite, comme prévu j'arrive à 6h30. On m'attendais. Accueil cordial qui augure d'une bonne relation avec la famille propriétaire des lieux.

 

Je pensais trouver facilement un sorgn taa ou prêt à partir, en fait la ville commençait seulement à se réveiller. Tant pis, je paierai le prix fort en en louant un comme un taxi. Une heure plus tard j'arrivais au petit port de Laem Ngop.

 

Un grand ferry à la peinture verte décrépite, laissant voir un peu partout le métal rouillé était à quai. Déjà, des passagers commençaient à embarquer, je fis de même. Le pont inférieur est destiné aux véhicules et le pont supérieur aux passagers. Chaque billet acheté permet d'embarquer avec un véhicule : vélo, moto, automobile ou même camion .

 

Embarquement vers Koh Chang.Deux cars arrivent et un flot de touristes thaïlandais investissent le pont supérieur. Encadrés par des guides qui, pendant la petite heure que dure la traversée, donneront des conseils et des consignes à grand renfort de porte-voix, comme c'est l'habitude un peu partout dans le monde.

 

Des rangées de sièges en plastiques verts au dessus desquels sont les gilets de sauvetage oranges, forment une espèce de grande salle d'attente au milieu de laquelle « trône » un petit bar où l'on sert, café, boissons gazeuses et bières.

 

Au loin, les formes embrumées des îles, une mer calme miroitante sous un soleil quelque peu voilé. Quelques bateaux de pêches fendent lentement de leur proue ce jeu de lumières presque aveuglante.

La rampe se relève, le moteur gronde en faisant vibrer toute la structure du ferry. Nous laissons enfin le continent pour le large et la montagne couverte de forêt qu'est Koh Chang. Le ciel est de plus en plus chargé, le tonnerre gronde et les éclairs illuminent la masse nuageuse.

Après une courte traversée nous accostons à Tha Damn Khao au nord-est de l'île.

 

Koh Chang.Mouhot n'est pas allé à Koh Chang, ni dans les autres îles (kho = île ) d'ailleurs il ne fait que les évoquer et quand il navigue dans sa « coquille de noix », il n'accoste presque jamais, jetant l'ancre dans une baie abritée ou une crique. En revanche il les décrit tout au long de son périple qui le mènera à Kampot au Cambodge.

 

« Deux jours plus tard nous arrivâmes à Ko-Khut ( Koh Kut ), où,de nouveau, des pluies torrentielles et un vent contraire nous retinrent à une centaine de mètres du rivage, dans une anse qui était loin d'offrir beaucoup de sécurité à notre modeste embarcation.
Notre position n'était pas agréable; notre chétive barque, rudement secouée par les flots en fureur, menaçait à chaque instant d'être jetée à la côte contre les rochers »
. ( p. 108)

 

Comparé à ce qu'il a vécu, mon voyage est une véritable « promenade de santé » !!!...

 

Un sorng taa ou me prend en charge avec quelques autres passagers et nous nous mettons en route. Il ne faut pas Dans le tuk tuk sous la pluie Koh Chang .longtemps avant que l'engin ne s'arrête; évidemment il n'était pas complet !... Autre débarcadère de ferry où nous attendons une bonne demi-heure. Quelques autres embarquent et nous repartons à notre point de départ pour récupérer, au ferry de 10h30, le complément de clients souhaité par le chauffeur.

 

Nous reprenons la route et un nouvel arrêt en bord de route, technique cette fois, alors que les premières gouttes d'une belle averse tambourinent sur le toit de tôle. Le chauffeur et un passager déroulent des bâches latérales sous une pluie devenue battante. Malgré cela, nous ne sommes pas vraiment à l'abri car le vent et les courants d'air générés par le déplacement permettent à la pluie de s'infiltrer de toute part. Bien mouillé, mais quel rafraîchissement !!!

 

La route tortueuse, au travers de la forêt est, surtout dans les virages en « épingle à cheveux », transformée en un véritable torrent boueux.

Heureusement l'averse diminue d'intensité en arrivant à destination : Hat Saï Khao ( plage de sable blanc ).

Je trouve abri sous le couvert du auvent d'un restaurant où je suis vite rejoint par des livreurs de bières en motos complètement trempés.

La rue n'est plus qu'une vaste mare où passent les véhicules, ralentissant soulevent de longues gerbes d'eau.

Apres la pluie Hat Sai Khao Koh Chang.

La pluie cesse et j'entame un petit tour de reconnaissance

 

Avant que les lieux ne soient envahis par les hordes de touristes, jeunes et moins jeunes, cela ne devait être qu'un pauvre village de pêcheurs. Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence, c'est devenu une espèce de club de vacances à grande échelle. Tout est là pour satisfaire les envies de plage et de fête : hôtels, guesthouses, restaurants, plongée sous-marine et boutiques, il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses ... Sans oublier  les corollaires, devenus évidents, de ce tourisme de masse : prostitution de toutes les sortes et drogue.

 

Mere et fille Koh Chang (1)Après la pluie, la plage est presque déserte, il fait bon grâce au vent venant du large et les lumières sont très belles.

 

Beaucoup de restaurant offrent des terrasses ouvertes sur la plage et le personnel s'active pour déplier les chaises longues, mettre en place tables et chaises et pratiquer des petits canaux dans le sable pour évacuer les eaux de ravinement. D'ailleurs on se rend vite  compte que toutes les eaux usées ou sales vont à la mer ...

 

En remontant vers la pointe rocheuse qui ferme la plage au nord, je découvre de nombreux bungalows tous plus originaux que les autres et commence à croiser les touristes qui peuvent maintenant prendre leurs aises après la pluie.

 

Le retour est bien moins long et le trajet en sens inverse vers Trat se fait beaucoup plus rapidement.

 

Il est encore assez tôt pour entreprendre une balade le long de la rivière Klang Trat, dont la rive droite, aménagée en La vieille ville Trat.promenade bétonnée sur pilotis, est bordée par le vieux quartier de la ville, où se trouve « ma guesthouse » côté rivière, au demeurant vraiment insalubre.

 

Le lendemain samedi ( 15 mai ), au regard des dysfonctionnement du blog, je vais devoir travailler toute la journée. Puisque les photos se s'affichaient plus dans les lettres il faut les refaire après avoir rédiger et envoyé la dernière : 11h de travail presque non stop !!!...

J'en profite pour ouvrir une toute petite parenthèse pour ceux qui pourraient me croire en vacances. Mes journées commencent entre 6 et 7h le matin. En général c'est tôt que je dois partir pour profiter des meilleures lumières et aussi parce que cela prend beaucoup de temps pour aller d'un point à un autre. Il aura aussi fallu entre temps trouver les moyens de connexion internet ; cyber café ou, plus pratique et confortable, une guesthouse proposant la wifi ...

Le retour se fait le plus souvent à la nuit, encore pour les mêmes raisons et il est rare que je sois couché avant minuit ou une heure du matin ... les nuits sont même souvent écourtées par la nécessité de se lever encore plus tôt pour sauter dans un bus très matinal ... fermer la parenthèse.

 

Justement, dimanche ( 16 mai ), lever à 4h00. Départ de la guesthouse à 5h00 après un petit déjeuner mangue et eau Frontiere Thailande Cambodge.tiède. C'est le mari de la propriétaire et son tout jeune fils qui me conduisent à la gare routière distante de 4 ou 5 kms dans un superbe 4 x 4 japonais sûrement neuf.
Nous arrivons bien évidemment trop tôt. Il fait encore nuit. Quelques chauves-souris s'attaquent à leur dernier repas tandis que les premiers oiseaux se manifestent en passant de l'aube à l'aurore.

 

Un film américain ( version thaï ) est diffusé sur un écran de télévision perché très haut et dont le son est un peu fort pour un début de matinée.

Personne n'y prête attention, tous plus ou moins endormis sur les sièges oranges inconfortables, d'ailleurs nous sommes très peu nombreux.

Quelques autres arrivent enfin et à 6h00 le mini bus se met en route.

 

Très vite nous arrivons au poste de frontière de Cham Yeam - Hat Lek, entre Trat et Krong Koh Kong au Cambodge.

 

Malheureusement, la relation maritime avec Sihanoukville est suspendue jusqu'à nouvel ordre, moi qui pensait, au moins partiellement faire comme Mouhot, encore une fois raté, nous ne sommes plus au XIXème siècle ... et c'est parfois à le regretter ...

 

Portefaix a la frontiere Hat Lek.Aussitôt je suis assailli par une « nuée » de prétendus amis, souhaitant m'aider à accomplir les formalités de passage. Je sais de quoi il en retourne, mais j'en suis un histoire de voir comment il s'y prendra. Très efficace au demeurant, j'en aurais fait autant tout seul, j'accomplis « le parcours du combattant » qu'est un passage de frontière terrestre en Asie.

Regard suspicieux du policier en va et vient entre la photo de mon passeport et l'image sur l'écran de son ordinateur relié à une petite caméra. Formulaire de sortie d'un côté et d'entrée de l'autre, tampons sur le passeport et même une pseudo visite médical consistant en une prise de température, 36,7°C, tout va bien, à l'issue de laquelle le médecin cambodgien (?) me demande 20 baths en me remettant un imprimé rose sur lequel je peux lire les mises en garde sanitaires : SIDA, hépatite et autre grippes infectieuses...

« Mon ami », son devoir accompli me demande tout simplement 10$ pour son aide (?) ce que j'attendais bien sûr; de lui expliquer alors qu'il devrait s'y prendre différemment, en se présentant, par exemple, directement comme un employé à rémunérer, écartant ainsi toute possibilité de mauvaise interprétation et d'éviter pour lui les ires des étrangers. Je lui ai quand même donné 20 baths, comme au médecin. Il n'était vraiment pas content et le doute, mais je ne peux m'empêcher de dire ce que je pense, que mon discours ait éveillé en lui même un début de réflexion ... merci à nos cousins américains qui trop souvent usent du dollar à la légère...

Pendant ce temps, une noria de portefaix « à vide » se pressent vers la Thaïlande, croisant les premiers passés surchargés de ballots de marchandises de toutes sortes, mais surtout de durians, ce fruit fort prisé qui est beaucoup plus abondant et bien moins cher de l'autre côté de la frontière.

 

DurianLe durian est un fruit très goûteux et au parfum extraordinaire. Mais pour pouvoir le savourer il faut être capable de franchir son odeur nauséabonde qui agresse terriblement notre odorat.


« Les fruits dans cette province [ Chanthaburi ] sont aussi bon que nombreux : ce sont la mangue, le mangoustan, l'ananas, si odoriférant et qui fond dans la bouche, et surtout, ce qui est bien supérieur à tout ce que j'avais pu imaginer avant d'en avoir goûté, le fameux durion [durian ] qui mérite à juste titre d'être appelé le roi des fruits. Toutefois, pour bien l'apprécier, il faut quelque temps; il faut surmonter le dégoût qu'inspire son odeur lorsqu'on n'en a jamais mangé; cette odeur est telle qu'au premier abord j'étais obligé de m'éloigner du lieu où il se trouvait. La première fois que j'en goûtai, il me semblait être près de quelque animal en putréfaction; ce ne fut qu'à la quatrième ou cinquième tentative que je sentis cette odeur se changer en un arôme des plus agréable ». (pp. 101 – 102)

 

Le billet acheté à Trat incluait le taxi qui me prit en charge et me conduisit, 20 kms plus loin, au bourg où j'embarquai dans un bus à destination de Sihanoukville ( Krong Preah Sihanouk, de Norodom Sihanouk, le précédent roi du Cambodge ) appelée alors et quelquefois encore Kompong Som .

Je fis étape pour la nuit dans cette ville nouvelle qui « a émergé de la jungle dans la fin des années 1950 pour devenir le premier et unique port en eau profonde du pays : un atout vital pour le commerce international cambodgien, qui transitait auparavant par le Viet Nam ». ( guide Lonely Planet – Cambodge )

Sihanoukville.

Le lendemain matin, je me mettais en route pour Kampot, où Henri Mouhot arriva au Cambodge et qui était alors le seul port en eau profonde du pays.

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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 07:27

La ville vue des toits Chanthaburi.Une fois de plus, après un court passage à Bangkok, à l'instar de Henri Mouhot, je quitte la capitale. Cette fois, direction le sud-est vers Chanthaburi, en direction du Cambodge.

 

Henri Mouhot arriva à Chantaboum ( son nom d'alors) le 4 janvier 1859 et y fit un séjour assez long. C'est là qu'il s'attacha les services de Phraï et c'est de cette ville qu'il partit en direction du Cambodge via les îles de Kho Chang et Kho Kut. Il fait, dans sa relation de voyage une description précises de la ville et des montagnes environnantes.

 

Le bus n°3 me conduit rapidement à la gare routière de Mo Chit où je dois attendre une bonne heure pour embarquer dans un car à air conditionné. J'ai fini par apprécier de me rafraîchir pendant quelques heures en dépit de mon à priori négatif ...

 

Il fait nuit quand j'arrive dans la capitale provinciale, très vite, je trouve un hébergement et, après une bonne douche je me mets en quête du marché de nuit où je me régale d'un bon dîner.

 

Tôt le matin, je partage un petit déjeuner avec une partie du personnel de la guesthouse, l'un d'entre eux me propose Autres lianes etrangleuses Parc National.de me conduire en moto à l'endroit où je pourrai trouver un sorng taa ou ( taxi collectif : petite camionnette, généralement japonaise, au plateau aménagé pour accueillir des passagers ) pour le Parc National de Khao Khitchakut, à 28 kms de Chanthaburi. Bien que cela soit un des plus petits parcs de Thaïlande ( 59 km2 ) il abriterait des troupeaux d'éléphants sauvages. Mais ce qui fait sa réputation ce sont les cascades de Nam Tok Krathing visibles depuis la route et qui dégringolent en 13 étages depuis un sommet.

 

Une demi-heure d'attente pour atteindre le quota de passagers, une douzaine... Dès que l'on ne fréquente plus les lignes régulières, l'attente est un thème récurent et je suis toujours admiratif devant l'impassibilité des gens qui espèrent pourtant un départ rapide !!!

A bord, 2 moines, 5 collégiennes en uniforme, 2 femmes et leurs enfants et un vieux monsieur.

En pétaradant, le véhicule se met en route et nous voilà bien vite sortis de la ville en empruntant la route 3249. Nous traversons des plantations d'hévéas ( latex = caoutchouc ), des campagnes et des villages au pied des montagnes aux sommets perdus dans les nuages annonciateurs de pluie.

De nombreux arrêts ponctuent notre trajet : quelques-uns descendent et d'autres montent. Les collégiennes finissent par arriver au collège où elles doivent être pensionnaires et se dispersent en riant.

 

Enfin c'est à mon tour de descendre, un panneau indique la direction à prendre et me voilà marchant vers les bureau d'accueil ou je m'acquitte d'un droit d'entrée de 200 baths ( 40 seulement pour les Thaïlandais).


Cascade niveau 9 Parc National.Le parc est extrêmement bien aménagé, des abris jalonnent un itinéraire fléché et il y a même des toilettes avec douches !!!

Franchissant la rivière sur un pont qui a vu des jours meilleurs, je m'enfonce dans la forêt. Tout de suite je suis saisi par la chaleur humide qui règne sous la canopée, pas un brin de souffle d'air : tout de suite je me mets à suer abondamment et ne cesse de boire, cercle vicieux, qui boit exsude ...  je crois que je n'ai jamais autant transpiré de ma vie !!!

Mais quelle récompense ! Toute cette végétation luxuriante, lianes emmêlées barrant parfois le chemin, arbres gigantesques de différentes essences et toujours les stridulations des cigales, les chants des oiseaux et le bruit des cascades bondissantes formant à chaque niveau des vasques d'eau cristalline.

Arrivé au niveau 9, la chaleur est tellement étouffante que je n'hésite pas un instant à me déshabiller pour me baigner dans une vasque en compagnie de centaines carpes.

 

« D'une hauteur de plus de vingt mètres, le torrent, large de deux à sa source, tombe avec fracas et presque d'aplomb sur les rochers, d'où il rejaillit en se détournant pour former une nouvelle chute de trois mètres de hauteur seulement, mais qui se déverse dans un vaste bassin, profond de plus de quinze pieds, et qui reflète comme un miroir les rochers et les arbres qui l'entourent.
Mes deux domestiques échauffés par une longue course, se plongèrent dans cette eau si froide, à mon grand étonnement... »
( H.M. p. 98)*.

 

En me séchant un peu, je peux observer un magnifique papillon bleu virevoltant de rocher en rocher et s'arrêtant de Baignade niveau 6 Parc National.temps en temps pour boire. Je pense alors au roman de Maxime Fermine « le papillon de Siam » qui met en scène Henri Mouhot,dans une version on ne peut plus romanesque de sa vie, à la recherche d'un papillon « mythique ».

 

Le temps passe et il m 'est compté, et puis, il fait vraiment trop chaud pour continuer vers le sommet.
Je fais étape dans un petit restaurant installé à l'entrée du parc pour et déjeuner et reprend mon chemin au travers de la forêt. Il commence à pleuvoir juste au sortir du parc et je m'abrite sous un pavillon où un employé est occupé à faire la sieste. En attendant la fin de l'averse je décide d'en faire autant ! Douce somnolence avec le staccato de la pluie sur le toit de tôle, le tonnerre qui roule de loin en loin, toujours, omniprésentes les cigales et enfin un souffle d'air.

 

La sieste a l abri de la pluie Parc National.Je rejoins la route 3249 et sous un crachin pas désagréable je fais du stop tout en marchant. Nombre de camionnettes chargées à ras bord de durians passent en soulevant des gerbes d'eau, oui, parce que dès que les averses sont violentes, les routes et les rues se transforment rapidement en ruisseau torrentueux ...

Je finis par arriver au collège où les jeunes filles s'étaient arrêtées à l'aller. Un abri en piteux état où attend déjà une dame. Nous n'attendrons pas longtemps avant qu'un sorng taa ou s'arrête et nous emmène à toute allure vers la ville. Dans la cabine à l'avant, une femme est occupée à épouiller son fils tandis qu'à l'arrière, les autres passagères discutent à bâton rompu.

La pluie a cessé et le soleil se décide à faire de ponctuelles apparitions.

 

Chanthaburi (100.000 habitants ), la « Cité de la Lune » (ce qui explique que le lapin soit son animal éponyme, qu'on Quartier derriere le temple.retrouve surtout sur les plaques des rues ) est réputée pour ses marchés aux pierres précieuses et les acheteurs y viennent, surtout les week ends, à la recherche de rubis et de saphyrs qui étaient (sont ?) extraits dans les mines creusées dans les flancs des montagnes alentours.

 

« Dans les montagnes de Chantaboum et non loin de notre demeure actuelle, on trouve des pierres précieuses d'une assez belle eau ... » (H.M. p. 100).

 

Les influences, françaises, vietnamiennes et chinoises sont encore bien visibles dans le vieux quartier qui borde la rivière Chanthaburi. Les chrétiens vietnamiens ont fui les persécutions religieuses et politiques de Cochinchine au XIXème siècle, puis deux autres vagues ont suivi. Dans les années 1920 à 1940 ils fuyaient la tutelle française et en 1975, le pouvoir communiste répressif qui s'installait.

Les Français ont occupé la ville de 1893 à 1905, le temps de parvenir à un accord avec les Siamois concernant les frontières cambodgienne et laotienne.

Au loin la cathedrale Chanthaburi.La cathédrale de style français est installée à l'emplacement d'une chapelle missionnaire édifiée en 1711 et reconstruite quatre fois entre 1712 et 1905. Cela devait être, alors, la paroisse de l'abbé Ranfaing qui reçut H. Mouhot lors de son passage à Chantaboum.

 

« Je songeais à quel degré de prospérité cette province pourrait atteindre si, déjà une des plus belles et des plus florissantes du pays, elle était sagement et intelligemment gouvernée, ou si quelques Européens venaient y jeter les fondements d'une colonie civilisatrice. Proximité de la mer, communications faciles et susceptibles de perfectionnement, climat sain, température supportable, et surtout inépuisable fécondité du sol, qui permet la culture des plus riches productions, rien ne manque à cette contrée pour assurer le succès à des planteurs industrieux et entreprenants » ( H.M. p. 97/98).

 

Il ne croyait pas si bien dire, et s'il pouvait revenir en ces lieux je doute qu'il apprécierait la tentaculaire colonisation du monde par le capitalisme libéral !!!

Moine et camion coca cola.

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* A partir de cette lettre, les citations d'Henri Mouhot, sont extraites de l'édition 2010 (Arléa) du « Voyage dans le Royaume de Siam, de Cambodge, de Laos et Autres Parties Centrales de l'Indochine ».

 

 

 

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